CAFE CINEMA : AMOUR ET CINEMA
De toute évidence, le romantisme a été victime de son image trop gentillette. Voilà bien un terme devant lequel on ne peut s’empêcher de sourire, en pensant immédiatement : guimauve, sentimentalisme, bouquets de roses bon marché, mièvrerie et dégoulinures... Et pourtant, certains films d’amour constituent quelques-unes des plus belles œuvres du cinéma, toutes époques confondues.
Pour ce Café Cinéma, nous avons donc évidemment creusé du côté de la comédie romantique, sous-catégorie assez écrasante qui nous aura heureusement permis de retrouver Antoine Doisnel, « Harry rencontre Sally », des classiques de Woody Allen, de Billy Wilder ou d’Ernst Lubitsch... Mais la catégorie du film d’amour ne s’arrête pas là : pouvant lorgner vers l’onirisme d’un Cocteau, les délires d’un David Lynch ou le réalisme d’un Kechiche, le genre sait aussi merveilleusement s’acoquiner avec le western chez Ang Lee, ou la comédie musicale avec Jacques Demy.
Devant ce vaste chantier, nous avons pris parti de rechercher les différentes déclinaisons de « L’amour » et de les illustrer chacune avec un film.
L’AMOUR
Je vois déjà les sourires se dessiner, les esprits goguenards devant cette interrogation : « Qu’est-ce que l’amour ? ». En tant que concept général, l’amour renvoie la plupart du temps à un profond sentiment de tendresse envers une personne. Toutefois, même cette conception spécifique de l’amour comprend un large éventail de sentiments différents, allant du désir passionné à l’amour romantique, de la tendre proximité sans sexualité de l’amour familial à l’amour platonique et à la dévotion spirituelle de l’amour religieux.
On perçoit l’amour le plus souvent ce qu’il n’est pas. « C’est pas cela l’amour ! » est souvent une réaction psychique traduisant souvent une déception. Et pourtant c’est aussi cela…. Essayons l’exercice périlleux d’en décrire les divers aspects.
1. L’AMOUR VENGEANCE (contre la vie, contre la déception, etc…)
Ce n’est certainement pas par-là que vous auriez commencé et pourtant j’ai toujours été intéressé par le roman de Pierre Chardelos de Laclos : « Les liaisons dangereuses ». On y on voit le sentiment amoureux se cacher derrière une apparente indifférence et prendre une forme cynique jusqu’au moment celui ou celle qui en est l’expression se fait piéger à son propre jeu.
« Les liaisons dangereuses » ont été plusieurs fois adaptées au cinéma :
1960 par Roger Vadim avec Jeanne Moreau (Madame de Merteuil), Gérard Philipe (Valmont), Annette Vadim (Madame de Tourvel), Jeanne Valérie (Cécile Volange) et Jean-Louis Trintignant (Danceny)
1988 : par Stephen Frears avec Glenn Close (Madame de Merteuil), John Malkovich (Valmont), Michelle Pfeiffer (Madame de Tourvel), Uma Thurman (Cécile de Volanges) et Keanu Reeves (Danceny)
1989 : « Valmont » de Miloš Forman avec Colin Firth (Valmont), Annette Bening (Madame de Merteuil), Meg Tilly (Madame de Tourvel), Fairuza Balk (Cécile de Volanges) et Henry Thomas (Danceny)
1999 : « Sexe intentions (Cruel Intentions), » film de Roger Kumble, transposition modernisée à Manhattan, avec Ryan Phillippe (Sebastian Valmont), Sarah Michelle Gellar (Kathryn Merteuil), Reese Witherspoon (Annette Hargrove), Selma Blair (Cecile Caldwell) et Joshua Jackson (Blaine Tuttle)
2003 : “Untold Scandal”, de E J-yong. Transposition dans un contexte historique sud-coréen, avec notamment Bae Yong-jun et Lee Mi-suk
2012 : « Dangerous Liaisons », film sino-coréen de Jin-ho Hur où l’intrigue du roman est transposée dans le Shanghai des années 1930, avec Zhang Ziyi, Dong-kun Jang et Cecilia Cheung
2. L’AMOUR RENCONTRE
2.1. Fortuite
Deux êtres prédestinés à se rencontrer, se voient, se parlent , s’apprécient et se quittent. Amour fugitif mais intense qui restera une éclaircie dans une vie monotone. Tel est le thème du film de Sofia Coppola en 2003 : « Lost in Translation » avec Bill Murray et Scarlett Johansson
« Lost in Translation » est principalement connu comme celui qui parvint, contre toute attente, à nous faire croire que le décalage horaire pouvait être romantique. On ne saura sans doute jamais ce que Bill Murray a murmuré à l’oreille de Johansson dans les derniers moments du film avant de disparaître dans la foule, mais cette fin ambivalente résume parfaitement le caractère improbable et inattendu du deuxième long métrage de Sofia Coppola. Comme les autres œuvres de la réalisatrice, celle-ci est une énième variation sur l’ennui et la solitude.
2.2. Pas si fortuite que cela
« In the Mood for Love » (2000) de Wong Kar-wai, avec Tony Leung Chiu-wai et Maggie Cheung
L’histoire se déroule en 1962. Voisins de palier dans un immeuble surpeuplé, M. Chow (Tony Leung) et Mme Chan (Maggie Cheung, arborant une robe traditionnelle chinoise) vont progressivement se rendre compte que leurs conjoints ont une liaison secrète. Suite à cette découverte, ils passent de plus en plus de temps ensemble et jouent avec les émotions de l’autre en répétant des scènes imaginaires de rupture, alternant entre réconfort et masochisme et finissant par aller au bout de leur désir mutuel dans le cadre d’un jeu de rôle imitant leurs partenaires infidèles. Sous la palette visuelle envoûtante se cache une histoire d’amour refoulée qui trouve son dénouement au beau milieu des ruines d’Angkor Wat – un détail sublime de la narration qui rend ’In the Mood for Love’ plus proche de la perfection que nul autre film hongkongais. Certes, M. Chow et Mme Chan ont envie d’aimer, mais cela s’arrête quasiment là. Les seules choses qu’ils parviennent à partager sont des regards furtifs, des mots légers et la certitude, réconfortante, que l’histoire et le passé s’oublient dans la fugacité des désirs.
2.3. Rencontre coup de « Foudre »
Alors que rien ne présageait un changement dans la vie calme et rangé d’un être, l’arrivée d’un autre être différent de ceux que l’on côtoie, vous ouvrant ainsi d’autres perspectives bouleverse la vie d’une femme et d’un homme.
C’est d’autant plus émouvant que l’autre (le mari ou l’épouse légitime) peut le comprendre. C’est le thème du film « Sur la route de Madison » (1995) de Clint Eastwood, avec Meryl Streep et Clint Eastwood
« Sur la route de Madison » a le mérite de nous montrer à quel point les aventures d’un soir étaient compliquées dans l’Amérique rurale des années 1960. Lorsqu’elle rencontre un mystérieux photographe de passage dans sa petite bourgade de l’Iowa, Francesca, la fermière donc, remet en cause son heureux mariage et se prend à rêver d’un autre destin. Bien sûr, tout ceci ne dure que le temps d’un battement de cils, et il est difficile de ne pas sentir son petit cœur trembler lorsque Clint Eastwood disparaît sous la pluie, emportant avec lui la vie qu’ils auraient pu avoir tous les deux.
3. L’AMOUR EN CRISE
Ce n’est pas encore la fin, mais ce n’est plus comme au début. Chacun se pose des questions : « Doit-on continuer ainsi ? » _ « Pourquoi continuer à vivre ensemble ? » - « L’amour est-il mort ? Toutes les questions que se posent Ingrid Bergman et George Sanders dans « Voyage en Italie » (1954) de Roberto Rossellini. Dans « Scènes de la vie conjugale » (1973) d’Ingmar Bergman, avec Liv Ullmann et Erland Josephson cela commence presque comme une comédie romantique, nous présentant le couple heureux, épanoui, de Johan (Erland Josephson) et Marianne (Liv Ullmann) avec leurs deux filles. A ceci près que le reste du film – tout de même presque trois heures – ne sera qu’un chemin de croix pour ces parents modèles. Johan, prof de fac réputé, se casse avec une jeunette pour laquelle il se passionne, mais dont il s’ennuie bientôt. Entre-temps, Marianne a fait son deuil. Bref, leur relation se loupe sans cesse, écrasée par les fatalités des sentiments et du désir. L’écriture vise juste. Elle est acérée, mordante, cruelle, et les acteurs extrêmement émouvants, dans les maladresses et les hésitations de leurs personnages. Qui ne savent plus vivre ensemble, mais se révèlent incapables de se quitter.
Scènes de la vie conjugale d'Ingmar Bergman... par carlottafilms
4. L’AMOUR IMPOSSIBLE
Comme le comte de Valmont, personne n’aime le mot impossible. Et pourtant ce type d’amour a souvent été représenté toute discipline artistique confondue. Cette repésentation est d’autant plus déchirante qu’elles montrent les êtres qui en sont victimes, en souffrent et parfois meurent.
Encore faut-il savoir pourquoi il est impossible ?
4.1. Impossibilité car le Destin l’a voulu
Qui dit Destin pense inévitablement à la Grèce antique et par extension à la légende d’Orphée. Orphée savait par les accents de sa lyre charmer les animaux sauvages et parvenait à émouvoir les êtres inanimés. Sa femme, Eurydice (une dryade) fut, lors de leur mariage, mordue au pied par un serpent. Elle mourut et descendit au royaume des Enfers. Orphée fou amoureux d’elle, put, après avoir endormi de sa musique enchanteresse Cerbère, le monstrueux chien à trois têtes qui en gardait l’entrée, et les terribles Euménides, approcher le dieu Hadès. Il parvint, grâce à sa musique, à le faire fléchir, et celui-ci le laissa repartir avec sa bien-aimée à la condition qu’elle le suive et qu’il ne se retourne ni ne lui parle tant qu’ils ne seraient pas revenus tous deux dans le monde des vivants. Alors qu’Orphée s’apprêtait à sortir des Enfers, n’entendant plus les pas de sa bien-aimée, impatient de la voir et ayant peur que son amour lui échappe, il se retourna, perdant à jamais Eurydice.
Si l’amour trouve cette issue fatale c’est que les Dieux l’on voulu. Le Destin est plus fort que l’amour ou c’est l’amour qui fait que le Destin s’accomplit.
Cette légende a été de nombreuses fois adaptée à l’écran :
« Orphée » (1950) et le « Testament d’Orphée » (1959), films de Jean Cocteau
« Orfeu Negro » (1959), film de Marcel Camus
« Orphée et Eurydice » (1985), film hongrois d’Istvan Gaal
« Parking » (1985), film musical français réalisé par Jacques Demy
« Orfeu « (1999), film musical brésilien réalisé par Carlos Diegues
« Tristesse beau visage » (2004), court métrage de Jean-Paul Civeyrac
« Vous n’avez encore rien vu » (2012), film d’Alain Resnais
4.2 Impossibilité pour des raisons sociales
Cette fois c’est on pense surtout à « Roméo et Juliette ». Les personnages éponymes sont devenus l’archétype des amants maudits. Les amoureux n’appartiennent pas à la même famille, au même clan, à la même société. Le clivage n’est pas de l’ordre des sentiments mais d’ordre social.
Ce thème qui a fait l’objet d’un Café Cinéma a été maintes fois repris en dehors même de celui de « Roméo et Juliette » :
George Cukor en 1936 avec Norma Shearer reprend le rôle de Juliette
Renato Castellani en 1954
Jerome Robbins et Robert Wise en 1960 avec « West side story »
Serguei Paradjanov avec « Les Chevaux de feu » (1964)
Franco Zeffirelli en 1968 avec Leonard Whiting et Olivia Hussey
Baz Luhrmann en 1996 avec Leonardo DiCaprio et Claire Danes
4.3 Impossibilité en raison de la maladie
« Love Story »réalisé par Arthur Hiller et sorti en 1970.
Oliver Barrett, IVe du nom interprété par Ryan O’Neal, descend d’une grande lignée de diplômés de Harvard riches et éminents. Il éprouve le coup de foudre pour Jennifer Cavalleri interprétée par Ali MacGraw, une Américaine d’origine italienne, pauvre et catholique, étudiante en musique, à Radcliffe. Dès la fin de leur année universitaire, ils décident de se marier en dépit de l’avis du père d’Oliver, qui se brouille avec son fils.
Après quelques années de galères, et comme leurs revenus sont à présent élevés, mari et femme décident de faire un enfant. Mais le succès ne vient pas, et après un certain nombre d’essais, ils consultent un spécialiste, qui, après de nombreux tests sanguins, informe Oliver que Jennifer a une leucémie et est condamnée à très court terme. Oliver essaie de se comporter « normalement » selon les conseils du docteur, sans en parler à Jennifer, mais celle-ci l’apprend toutefois par un autre médecin. Jennifer décide d’aller à l’hôpital pour commencer une thérapie contre le cancer, et Oliver commence à manquer d’argent pour payer l’hôpital. Désespéré, il va demander l’aide financière de son père, arguant d’une bêtise avec une fille.
VIDEO “Love Story “de Arthur Miller
4.4. Impossibilité en raison des différences d’aspirations de chacun
L’amour c’est beau mais il y aussi la vie de tous les jours. Comment tout quitté lorsque la vie vous a offert le luxe, l’oisiveté et que son nouvel amour ne vous apporte plus que la jeunesse et l’amour ? Tel est le thème du film inspiré du roman de Françoise Sagan.
« La chamade » réalisé par Alain Cavalier, sorti en 1968 avec Catherine Deneuve, Michel Picolli et Roger Van Hool
L’histoire = Lucile est jeune, très belle, elle aime vivre libre et oisive, dans un cadre luxueux, grâce son amant Charles, un riche industriel plus âgé, qu’elle accompagne à loisir au théâtre, dans les cabarets, les voyages, les séjours à Saint-Tropez, les dîners mondains du Paris de la fin des années 1960
Antoine, rencontré dans une soirée va incarner pour elle la beauté physique de la jeunesse et le désir, le coup de foudre, l’exaltation mais aussi, peu à peu, la pesanteur d’un travail sans intérêt, la médiocrité d’un studio sous les toits, les soucis matériels. N’acceptant pas la nature paresseuse et hédoniste de Lucile qui ne veut s’attacher à rien mais seulement aimer et être aimée, qui ne veut pas d’enfant de lui, Antoine se détache d’elle comme elle se détache de lui. Elle retourne vers Charles, pour la vie qu’il lui apporte, de luxe, de calme, de beauté, mais aussi parce qu’il l’aime inconditionnellement, pour ce qu’elle est sans vouloir la changer, sans la juger.
VIDEO « La Chamade » d’Alain Cavalier
4.5. Impossibilité en raison de la différence d’âge
Il est courant d’entendre (surtout à notre époque) que la différence d’âge entre les amants n’a aucune importance. Mieux actuellement elle devient un phénomène à la mode avec les « Cougar ». Pourtant elle peut être (même maintenant) un risque de rupture comme on peut le voir, toujours dans une adaptation d’un roman de Sagan avec : « Aimez -vous Brahms ? » . Réalisé en 1960 par Anatole Litvak avec comme acteur principaux Ingrid Bergman, Anthony Perkins et Yves Montand, ce film raconte l’histoire de Paula, séduisante quadragénaire et décoratrice d’intérieur depuis longtemps, la maîtresse de Roger, un homme d’affaires de son âge. Mais ce dernier n’a jamais répondu à ses attentes en lui proposant le mariage, désirant préserver son indépendance et sa liberté, surtout celle de parallèlement collectionner de nombreuses aventures galantes. Insatisfaite, Paula succombe aux avances du fils de Mme Van Der Besh, une cliente Américaine. Philip est âgé de 25 ans et il l’aime passionnément. Mais confrontée aux regards réprobateurs sur la différence d’âge, à la jalousie et à la tristesse de Roger, à l’exaltation juvénile de Philip, Paula, la mort dans l’âme, met fin à sa liaison avec ce dernier lorsque Roger lui demande enfin de l’épouser. Désormais tout entière dévouée à son mari, elle s’aperçoit que celui-ci lui est de nouveau infidèle.
4.6. Impossibilité en raison des événements politiques (Guerre, révolution….)
Ah, la guerre ! ….Eelle peut être tour à tour objet de rencontre comme dans « Docteur Jivago » ou « Le passage du Rhin » ou cause de non aboutissement car interrompu par la séparation (mort ou exil)
Pour illustrer ce caractère particulier de l’amour nous parlerons d’un film passé récemment sur ARTE qui nous présente les deux volets de cette rencontre. Il s’agit du film réalisé par Douglas Sirk, « Le Temps d’aimer et le Temps de mourir (A Time to Love and a Time to Die) » en 1958.
Durant la Seconde Guerre mondiale : Un soldat allemand, Ernst Graeber, quitte le Front germano-russe pour quelques jours de permission. Il découvre que sa maison est détruite et que ses parents ont disparu. Il revoit une amie d’enfance, Elizabeth Krause, dont le père est en camp de concentration. Une idylle va se créer qui ira jusqu’au mariage. Mais voilà la permission est terminé il faut donc repartir et se quitter.
5. L’AMOUR PASSION
5.1. La nostalgie de son adolescence
Qu’est-ce que c’était bien avant … les premiers émois… ces élans du cœur…. Tout cela passe par la tête notamment lorsque l’on arrive au milieu de sa vie. On donnerait cher pour revivre cette époque-là … et justement ce jour – là arrive une jeune personne qui vous fait faire un retour 25 ans en arrière. Re-bonjour, les affolements du cœur. Re-bonjour les envies de faire plaisir de se donner… C’est ce qui arrive à James Manson dans le film « Lolita » (1962) de Stanley Kubrick, lorsqu’il rencontre Lolita, la fille de la future propriétaire de l’appartement qu’il va louer.
VIDEO « Lolita » de Stanley Kubrick
5.2. Le souvenir d’un être cher
« Une aussi longue absence » (1960) d’Henri Colpi, avec Alida Valli et Georges Wilson
Thérèse, gérante d’un bistrot de banlieue, aperçoit un jour un clochard qui lui rappelle étrangement son mari, déporté pendant la guerre . L’homme est amnésique, mais Thérèse se persuade peu à peu que c’est lui et le confronte au passé, dans l’espoir de raviver sa mémoire. Ecrit par Marguerite Duras à partir d’un fait divers et récompensé par la Palme d’or en 1961, ‘Une aussi longue absence’ est un conte terriblement mélancolique sur les pièges de la mémoire et l’obstination, presque obsessionnelle, d’une femme amoureuse. L’interprétation tout en retenue de Georges Wilson et Alida Valli, deux âmes timides qui osent à peine se frôler, est magistrale.
6. L’AMOUR A CONTRE TEMPS
« Autant en emporte le vent » (1939) de Victor Fleming, avec Vivien Leigh et Clark Gable
De toute façon, si l’on y jette encore un œil, ce ne sera évidemment pas pour louer son discours social, mais pour sa cruelle étude de mœurs – les personnages étant quand même d’assez belles ordures, au final – et pour son histoire d’amour intense, épique, de près de quatre heures (3h44, pour être précis), entre le fier et cynique Rhett Butler et la passionnée Scarlett O’Hara . ‘Autant en emporte le vent’ réussit comme aucun autre film à exprimer les contretemps de l’amour : Rhett et Scarlett s’aiment alternativement, d’une passion folle, mais ne parviennent jamais à s’unir dans un même désir, au même moment. « Je t’aime… moi non plus. » Désolant comme le temps joue contre l’amour : ce n’est certes pas une nouvelle – ça n’en reste pas moins poignant.
7. L’AMOUR MALGRE TOUT
7.1. Même en raison des différences d’apparence
Allez ! Avouez le, vous vous êtes parfois poser la question : « Comment fait –il pour rester avec lui ? » - C’est vrai il est môche et elle si jolie… Et bien c’est aussi cela la magie de l’Amour si bien traduit par Cocteau dans la « Belle et la Bête »
L’histoire a tout du « roman d’apprentissage ». La Belle refuse au départ de grandir, de se séparer de son père et d’avouer son amour à Avenant. La Bête cherche l’amour pour se délivrer de son maléfice. La Belle goûte peu à peu à la vie fortunée avec la Bête, dont seule l’apparence la tient à distance. Le film se termine abruptement avec l’envol de l’ex-Bête et de la Belle, mais on peut imaginer sans peine ce qui arrive aux autres personnages : la Belle épouse la Bête.
7.2. Même en raison des différences sociales
Ce n’est pas ton genre !.... Elle est trop bien pour toi !.... Elle ou il est nul, pas de culture !.... Combien de fois a-t-on entendu ce genre de conseil. Parfois même c’est nous qui le demandons car on a des inquiétudes sur notre avenir : « Est-ce que cela va marcher malgré tout ? « _ Et ben oui ! Parfois…
« La Belle et le Clochard » (1955) d’Hamilton Luske, avec Larry Roberts et Barbara Luddy
Sorti en 1955, ‘La Belle et le Clochard’ appartient à la deuxième vague des grands succès du studio Disney. Drôle d’histoire d’amour entre un cocker spaniel anglais et un chien errant, ‘La Belle et le Clochard’ est évidemment resté célèbre pour sa scène de spaghettis. Mais, comme souvent chez Disney, il se voit également agrémenté d’un remarquable accompagnement musical, où l’on retrouve la chanteuse Peggy Lee, complice de Duke Ellington, dans pas moins de quatre rôles. Dont celui de ces deux chats siamois délicieusement flippants.
7.3. Même en raison des différences d’âge
Alors que dans « Lolita » on avait pu constater les dégâts que peuvent causer une jeune adolescente dans le cœur d’un vieux monsieur, avec « Harold et Maude » on peut voir que les choses peuvent tourner autrement. Il est vrai que le première film c’était « une jeune » et que dans le second c’est « un jeune »
« Harold et Maude » (1971) d’Hal Ashby, avec Ruth Gordon et Bud Cort
Harold et Maude, l’ado nihiliste et l’octogénaire hippie, forment de loin le duo le plus excentrique de ces films d’amour. Harold, 20 ans, est un jeune blasé dont les passe-temps favoris consistent à simuler son propre suicide et traîner dans des cimetières. Il prend goût à la vie lorsqu’il rencontre l’ultime cougar : Maude, une kleptomane et éternelle optimiste de 79 ans. L’amitié entre les deux énergumènes se transforme vite en amour – et oui, ils couchent ensemble…
7.4. Même en étant très vieux
« Amour » (2012) de Michael Haneke avec Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva
Huis clos sur un couple d’octogénaires, Georges et Anne (superbement interprétés par Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva), face à la mort et au déclin physique. Mais surtout, c’est un film sur l’amour, dans ce qu’il a de moins niais, de plus viscéral ; la question étant, au fond : peut-il tenir à hauteur de la mort ? Et contre toute attente, Haneke répond par l’affirmative. Tout se joue dans des détails bouleversants, et la temporalité du film, pudique, est maîtrisée à la perfection. Pas le moindre mouvement superflu, ni le plus petit dialogue de travers.
7.5. Même en raison du passé qui vous donne l’impression de trahir un amour
« Un homme et une femme » (1966) de Claude Lelouch, avec Anouk Aimée et Jean-Louis Trintignant
Une bande-son mythique composée par Francis Lai, des plans époustouflants et un couple d’acteurs – Anouk Aimée et Jean-Louis Trintignant – aussi beaux que charismatiques. Tourné à la fois en couleur et en noir et blanc pour des raisons budgétaires, il émane du film de Lelouch une poésie singulière, mêlant dans un montage habile images présentes et passées, réelles et fantasmées. Ils sont tous les deux veufs, tous les deux parents célibataires. Ils se rencontrent, et puis ils s’aiment : ‘Un homme et une femme’ est, comme son titre l’indique, d’une simplicité évidente.
UN HOMME ET UNE FEMME - CLAUDE LELOUCH 1966... par this-is-the-end
8. LES PREMIERS EMOIS
Quel pied ! Quand on se souvient quand la première fois le petit cœur s’est mis à battre plus fort… quand on perd les pédales et on ne sait plus très bien où en est. Parfois les sentiments deviennent troubles comme dans ce magnifique film de de Mike Nichols : « Le Lauréat » (1967) avec Anne Bancroft, Dustin Hoffman et Katharine Ross
Dans ce premier film, Dustin Hoffman dévoile ce visage d’adolescent toujours étonné et un peu dépassé par les événements. Lors d’une soirée arrosée en son honneur, Benjamin jeune diplômé, se fait ouvertement draguer par une amie de ses parents, Mrs. Robinson (Anne Bancroft – qui restera grâce à ce rôle l’une des figures tutélaires de la cougar au cinéma). e. Plus tard, rencontrant la fille de Mrs. Robinson, Elaine (Katharine Ross), Ben en tombe éperdument amoureux. Oscillant entre le drame et la comédie, ‘Le Lauréat’ respire la légèreté et la jeunesse des années 1960. Ajoutez-y quelques scènes cultes – dont l’une des dernières, à l’église – et la musique de Simon and Garfunkel : vous obtiendrez une brillante comédie romantique aux faux airs de tragédie pré-hippie.
9. LE TRIANGLE AMOUREUX
« Ton problème c’est que tu es amoureuse de deux hommes à la fois.... » Pas facile de choisir lorsque la société vous refuse la polygamie et que l’un ou l’autre des partenaires demandent de choisir. L’essence du drame est là et un film comme « Jules et Jim » (1962) de François Truffaut, avec Jeanne Moreau, Oskar Werner et Henri Serre en est la démonstration flagrante.
Des triangles amoureux, il y en a eu, mais peu sont parvenus à égaler celui de ‘Jules et Jim’ (et Catherine). Les textes magnifiques d’Henri-Pierre Roché, lus par Truffaut en voix-off, la musique de Georges Delerue, l’interprétation du "Tourbillon" par Jeanne Moreau… Tout dans cette œuvre emblématique de la Nouvelle Vague est désormais devenu culte, et à juste titre. Même si sa morale n’est pas vraiment optimiste – la révolution sexuelle dont Catherine rêve tant s’avère finalement irréalisable –, « Jules et Jim » reste, avec ‘Harold et Maude’, l’un des seuls films romantiques dont le schéma amoureux peut paraître aussi irrévérencieux aujourd’hui qu’il le fut lors de sa sortie.
10. L’AMOUR VIRTUEL
« Her » (2013) de Spike Jonze, avec Joaquin Phoenix et Scarlett Johansson
Spike Jonze dépeint une idylle entre Théodore et Samantha, un homme et un programme informatique. Samantha est une “OS”, un système d’exploitation semblable à Siri, à cela près qu’elle est ultra-développée : capable de lire un livre et trier une boîte mail en deux centièmes de seconde, mais aussi de faire la conversation, échanger des blagues ou exprimer des opinions très personnelles. Or, plus Samantha interagit avec Théodore, plus ses besoins et ses émotions évoluent… et les deux finissent rapidement par tomber amoureux. ‘Her’ est sans doute aussi le premier film romantique où l’on ne voit qu’une moitié du couple. Joaquin Phoenix, qui joue seul – la voix de Scarlett Johansson a été rajoutée en post-production –, livre ainsi une performance absolument bluffante, parvenant sans problème à nous convaincre de la puissance de son amour pour une oreillette. D’une grande sensibilité, doté d’un univers unique (et déjà mille fois parodié), ‘Her’ est voué à devenir culte.
11. L’AMITIE AMOUREUSE
« Quand Harry rencontre Sally » (1989) de Rob Reiner, avec Billy Crystal et Meg Ryan
Presque toutes les comédies romantiques des quinze dernières années contiennent une référence à ‘Quand Harry rencontre Sally’. Et si de nos jours, le film peut être considéré comme prévisible ou plein de clichés, c’est parce que tout le monde semble avoir oublié qu’avant sa sortie, la plupart de ces clichés n’existaient pas. Non seulement le long métrage de Rob Reiner et Nora Ephron a-t-il complètement modernisé et renouvelé le genre, posant les bases narratives de centaines de comédies romantiques – et de séries télé – à venir, mais il a carrément inventé de nouveaux concepts, notamment ceux de la « high maintenance girlfriend » (traduction rapide : la chieuse) et de la relation de transition. Quant à la scène, désormais légendaire, dans laquelle Sally simule bruyamment un orgasme en plein milieu d’un restaurant, elle paraît très drôle aujourd’hui, mais en 1989, elle était révolutionnaire.
Quand Harry Rencontre Sally Part 5 par luvam
12. LE BEL AMOUR
Et puis il y a l’Amour ….le Bel Amour. Celui qui nous a enchanté, celui qui nous laisse rêveur ou rêveuse. Comment oublier ainsi :
« Out of Africa » (1985) de Sydney Pollack, avec Meryl Streep et Robert Redford
Quoi de plus romantique que de se faire laver les cheveux par un jeune Robert Redford au bord d’une rivière kenyane ? Dans ce film, l’acteur incarne l’Aventurier par excellence, veste saharienne, regard mystérieux et peau tannée par le soleil. Quant à Meryl Streep, elle tient là un de ses plus beaux rôles, en femme forte et autonome qui préfère la vie à la ferme aux mondanités de son Danemark natal. Tiré des mémoires de l’écrivaine Karen Blixen, ‘Out of Africa’ raconte le séjour africain de cette dernière et sa relation passionnelle avec le chasseur Denys Finch Hatton. Un amour torride et tragique sur fond d’histoire coloniale. La musique, grandiose, de John Barry et les sublimes paysages du Kenya (la scène où les deux amoureux survolent les plaines en avion relève de la pornographie panoramique) achèvent de faire d’‘Out of Africa’ l’une des histoires d’amour les plus vibrantes du cinéma.
Avant de terminer , je voudrais partager avec vous mon coup de coeur. Dans le film "Comme un torrent" de Vicenti minelli, Shirley Mac Laine, une pauvre fille ramassée dans un bar avoue son amour pour l’écrivain Frank Sinatra avec une des plus belles phrases du cinéma : « C’est vrai que je n’ai rien compris à ton livre, cela n’empêche pas que je l’ai aimé.... toi non plus je ne te comprends pas, mais je t’aime ! »
FIN