Nanar d’Octobre 2015_ Attack Force

  • Mis à jour : 29 septembre 2018

Depuis la reprise de la saison cinématographique, les productions nous abreuvent de films musclés qui avec de grands renforts d’effets spéciaux parfois en 3D pour faire encore plus vrai. A Nanarland vous pensez bien qu’on allait pas rester en reste. Non mais !

ATTACK FORCE

Titre original : Attack Force
Réalisateur : Michael Keusch
Année : 2006
Pays : Etats-Unis
Genre : Attack Farce (Catégorie : Pur et dur)
Durée : 1h34
Acteurs principaux : Steven Seagal, Lisa Lovbrand, David Kennedy, Adam Croasdell

Pour beaucoup d’entre nous, Steven Seagal a été une porte d’entrée vers le nanar. L’incarnation d’une famille de films d’action bourrins qu’on apprécie par-dessus tout dans l’adolescence, jusqu’au matin où, sans prévenir, on se rend compte qu’avant d’être très musclés, la plupart de ces films sont surtout très cons. Bien sûr, ça n’empêche nullement de continuer à les apprécier en les prenant désormais simplement pour ce qu’ils sont et non plus pour le summum de la coolitude mais, le recul aidant, on ne peut s’empêcher de penser en revoyant certains de ces films que décidément non, celui-ci ou celui-là est vraiment trop idiot, et même franchement risible…

Avec des acteurs comme Sylvester Stallone ou Jean-Claude Van Damme, Steven Seagal est donc l’une des stars emblématiques du nanar « grand public » version gros bras. Toutefois, alors que beaucoup de ses collègues bourrins ont jeté l’éponge avec l’âge ou enchaînent les séries B potables, Steven Seagal refuse la fatalité et, ces dernières années, s’est démené pour nous offrir d’authentiques nanars bien juteux. Allant jusqu’à prendre 40 kilos pour être sûr d’atteindre un niveau optimal de ridicule dans les scènes de combat, il tourne depuis à peu près cinq ans et à un rythme soutenu dans des daubes innommables même plus dignes des deuxième partie de soirée de TF1.

Nous vous proposons de découvrir aujourd’hui « Attack Force », son dernier opus à ce jour, tourné en Roumanie et sorti en France le 23 janvier 2007 (il me faut préciser toutefois que cette chronique se fonde sur la version originale du film et que pas mal de détails croustillants pourraient bien être perdus à la traduction).

Steven Seagal est Marshall Lawson.

Steven s’apprête à se battre. Le compteur de nanardise va grimper en flèche !

Dans Attack Force, Steven Seagal reprend son personnage interchangeable d’agent des forces spéciales expert en arts martiaux, baptisé cette fois Marshall Lawson. Bossant pour une organisation appelée Majestic rattachée à l’armée américaine, il est envoyé en mission d’entraînement pour former trois p’tits jeunes pleins d’avenir mais manquant encore d’expérience. Lorsque ses protégés sont brutalement assassinés juste après son arrivée, Lawson décide d’en faire une affaire personnelle. Remontant la piste jusqu’à des manipulations louches de Majestic visant à produire une drogue capable de transformer n’importe quel individu lambda en tueur inarrêtable, il va très vite se retrouver au milieu d’une salade scénaristique parfaitement incohérente où une maman saumon n’y retrouverait pas ses petits, aussi agiles fussent-ils.

Avant d’aborder plus précisément cet aspect, il faut évoquer un élément essentiel qui donne tout son sel à Attack Force et contribue grandement à en faire un authentique nanar. La presque totalité du film se déroule en effet… en France ! Et là c’est un festival. On sait maintenant depuis quelques temps que Steven est nul en géographie (voir la chronique de « Piège en Eaux Profondes » et ses ruines Mayas en Uruguay), mais là il bat des records, d’autant plus éclatants que la moindre erreur sautera aux yeux du spectateur français comme une énormité. C’est en effet une France bien étrange que parcourt Marshall Lawson, où tout le monde est immatriculé dans la Mayenne, parle avec un accent de l’Est et où la base secrète des méchants se trouve dans « un petit village près de Bordeaux… Bastia ! ». Pour y aller depuis Paris, c’est simple, c’est par l’autoroute 88, c’est-à-dire sur la route de Caen. L’expression « les quatre coins de l’hexagone » prend d’un seul coup un sens nouveau.

La Mayenne : fournisseur officiel de voitures pour les films de Steven Seagal depuis 2006.

« Go feuque ioureselffe » lance cette femme à Marshall Lawson, probablement la pire actrice du film avec son accent français à se percer les oreilles avec une aiguille de phonographe.

Les aventures de Steven dans notre beau pays tournent très vite à la confusion totale. Comme une sorte de fil rouge du film, il parle régulièrement de son intention de mettre sur pied une nouvelle équipe pour venger la première. Cette équipe, non seulement on ne la verra jamais, mais elle est à géométrie variable. Il commence par vouloir rappeler son ancienne équipe, puis parle d’en former une nouvelle avant d’évoquer la possibilité d’en refaire carrément deux. A un moment, il ordonne même à ses deux sidekicks, histoire de les occuper, d’en former chacun une, en plus de la sienne. A la fin, on verra vaguement un Chinois à leurs côtés se faire exploser la tête à chaque fois qu’il attaque un méchant.

Le traître Inspecteur Lambert de « la police locale » à l’accent rigolo, qui se fait lui-même trahir et décide de trahir les traîtres pour se venger.

Pendant ce temps-là, le sombre complot qui se noue derrière la scène est tout aussi incohérent. Un chercheur de Majestic qui travaillait sur la drogue du super-soldat, le CTX, a fait défection et travaille maintenant pour une mystérieuse commanditaire russe aux motivations imprécises. Caché dans un bar à hotesses (c(esty comme cela qu’on les appelle quand on veut être poli) , il prend peur en voyant débarquer les hommes de Lawson qu’il pense être sur sa piste et les fait assassiner. Il envisage plus ou moins de contaminer la réserve d’eau de la ville sans qu’on comprenne bien pourquoi (le personnage n’est a priori pas un terroriste et ne fait aucune demande de rançon), ni s’il s’agit de celle de Paris ou de Bastia (d’un autre coté comme Bastia est à coté de Bordeaux il restera le vin )

Ses anciens supérieurs, naturellement, cherchent à garder l’affaire secrète tout en déjouant ses plans, tandis que Lawson cherche à déjouer ses plans tout en gardant l’affaire secrète (et à se venger au passage) et évidemment, pour des raisons qu’on ne comprend pas, ils s’affrontent violemment. L’Amiral qui commande Majestic et qui est parvenu à n’être au courant de rien jusque-là est un ami de longue date de Lawson, aussi lui donne-t-il carte blanche pour régler la situation. Un peu plus tard toutefois, on le surprend en train de comploter avec un lâche bureaucrate qui ne songe qu’à enterrer cette sombre histoire pour sauver sa place, et il menace Lawson de faire de lui le bouc émissaire de toute cette affaire s’il échoue (une affaire où, rappelons-le, Lawson n’est mêlé que par accident et dans laquelle il n’a strictement rien à voir et encore moins à se reprocher). Il prévient Lawson qu’il devra agir seul avec son équipe (ah ! la voila la fameuse !) et met donc à sa disposition toute les forces dont il dispose. A l’issue de tout ça, Lawson se retrouve donc en Gironde, dans la banlieue de Bastia, soutenu par toute une armada ayant des ordres stricts pour ne pas l’aider et dont on ne comprend pas bien s’il s’agit de l’armée française ou américaine vu qu’elle utilise un équipement russe.

L’Amiral, ici en train de comploter contre Lawson avec un bureaucrate véreux…

Les scènes d’action, hélas trop peu nombreuses, sont l’autre grande source de nanardise du film. Bouffi et visiblement démotivé, Steven Seagal a abandonné toute prétention de pratiquer les arts martiaux et n’essaye même plus de faire semblant. Les combats se résument à des échanges grotesques de moulinages de bras entrecoupés de gros plans où Steven a l’air effroyablement constipé. Pathétique et hilarant. Pourtant, les autres personnages continuent à tout faire pour nous vendre Marshall Lawson comme un combattant exceptionnel, allant jusqu’à lui confier une espèce de paire de griffes à fixer sur les poignets censées le transformer en Wolverine d’occasion, « capables de s’adapter à son style de combat » et devant lui permettre de « compenser les réflexes surhumains » de ses adversaires sous l’emprise de la drogue.

Ce scénario embrouillé et contradictoire (dont Steven himself est d’ailleurs le co-auteur) ne s’explique pas uniquement par une consommation excessive d’alcool local. Il semble en effet qu’à l’origine le scénario devait parler d’une invasion d’extra-terrestres, mais que les producteurs, en plein milieu du tournage, se soient mis à craindre le ridicule et aient tenté de sauver les meubles en revenant à une histoire plus classique (je n’ose imaginer ce qu’aurait pu donner le script originel). Les aliens ont donc été transformés en drogués et ça explique pas mal de choses, à commencer par les yeux bizarres des méchants sous l’emprise du CTX, ou le fait qu’ils se battent tous de la même façon et avec la même arme inhabituelle, une espèce de petit poignard recourbé. Ca explique aussi pourquoi Lawson et ses supérieurs se montrent tellement prêts à massacrer un tas de gens apparemment innocents, seulement coupables d’avoir absorbé du CTX à leur insu. Les modifications étant semble-t-il intervenues assez tard, elles ont probablement nécessité de retourner certaines scènes de dialogue et c’est là que la continuité a dû en prendre un coup.


Le bizarre clignement d’oeil horizontal des aliens / drogués au CTX.


Autre constante du film : les personnages sont régulièrement projetés à travers les murs avec violence, mais sans jamais leur causer aucune blessure.

Au final Attack Force est sans doute l’un des films les plus drôles de Steven Seagal à ce jour. Ca ne suffit pas à en faire un nanar d’exception, mais tout de même un film fort plaisant à regarder et où l’on rigole bien. Il faut toutefois mettre un gros point d’interrogation au sujet de l’adaptation française. Si, comme c’est probable, celle-ci ne conserve pas les continuelles bourdes géographiques du film ni les quelques accents français rigolos, le film perdrait beaucoup de sa saveur et il faudrait retrancher au moins un demi-point à la note. A moins bien sûr qu’ils ne décident de l’appeler « Piège en Gironde », auquel cas tout serait pardonné !

Bon vous avez été jusqu’au bout !

Cela mérite récompense .... la version complète