LE RETOUR DU CAPITAINE NEMO
Titre original : The Amazing Captain Nemo
Réalisateur : Alex March, Paul Stader
Année : 1978
Pays : Etats-Unis
Genre : Sous-marin d’eau douce (Catégorie : Aventures)
Lorsque j’avais quitté Nemo, il pilotait son Nautilus avec un sacré paquet de balles dans le corps envoyées par une armée à la solde de la tyrannie et du monde des exploitants. Bon c’était quand même un peu vache. Pour une fois qu’on tenait un gars un peu réglo coté justice, voilà t’y pas qu’ils l’envoient "Ad Patres".
Alors on est triste, et on se dit que quand on sera grand tos ces salops ils allaient morfler.
Mais heureusement on apprend comme ça..., d’un coup..., que le Cap’tain il est de retour ! Enfin on sait pas si c’est pour notre bien .....
« Le Retour du Capitaine Nemo » est un remarquable témoignage d’une certaine époque de la télévision américaine, et du traitement parfois surprenant qu’elle faisait subir aux classiques. Produite par Irwin Allen, champion des vieilles séries de S-F, du blockbuster raté et du film-catastrophe, cette série télévisée assez éphémère connut un avatar au cinéma, avec ce long-métrage qui en condensait les premiers épisodes. Dans un coup marketing assez original, les spectateurs américains purent donc se voir proposer sur grand écran un spectacle dont ils pouvaient profiter gratuitement à la télévision. Cela n’aida pas à la réputation du feuilleton, qui ne marqua pas les mémoires. Et pour cause : en mélangeant thèmes classiques d’un autre temps et esthétique « Star Trek », « Le Retour du Capitaine Nemo » créait un mélange des plus hétéroclites qui n’aidait guère à le prendre au sérieux.
Tout commence alors que le Professeur Cunningham, un savant fou mégalomane rendu zinzin par son homonymie avec Richie dans « Happy Days », menace de détruire la planète.
Tor, le sbire-androïde-homme de main le plus laid et inutile de la création.
Je désire parler au Président des Etats-Unis !
C’est moi.
A d’autres, vous ressemblez plutôt à un vieux cabot sur le retour !
Entouré de sbires en pyjama et d’androïdes en caoutchouc et secondé par une sorte d’alien tout droit sorti d’un dessin animé japonais, Cunningham mâchouille ses lunettes en ricanant d’un air sardonique, sans se douter que le seul homme pouvant l’arrêter va bientôt se dresser sur sa route.
En effet, dans un sous-marin coincé dans les rochers, deux militaires américains découvrent, congelée dans les glaces, une silhouette étrangement familière. Mais oui, cet uniforme, cette casquette, cette barbe blanche, c’est…
…CAPTAIN IGLO !
Mais non, voyons, c’est le Capitaine Nemo. S’étant volontairement cryogénisé voici cent ans pour échapper à la mort alors que le Nautilus était pris au piège, le célèbre explorateur, savant de génie et bienfaiteur de l’humanité, va pouvoir reprendre sa quête de l’Atlantide, le continent englouti. Mais avant cela, pour remercier ses libérateurs, le Capitaine Nemo va tout naturellement mettre sa science au service du bien pour réduire le Professeur Cunningham à merci.
Alors on en apprend de belle : Nemo n’était-il pas un rebelle en guerre contre l’humanité ? Un dangereux anarchiste à la misanthropie galopante ? Un pirate largement aussi redoutable que Cunningham ? Non, que dalle et peau d’balle. Rendu gâteux par son séjour dans les glaces, le Capitaine Nemo est devenu d’une gentillesse déconcertante. Bientôt, on le verra faire visiter le Nautilus à des enfants des écoles, et le Commandant Cousteau aura trouvé son successeur.
Si tu me traites encore de capitaine Iglo, tu sors !
Outre le mépris assez faramineux pour l’œuvre de Jules Verne, « Le Retour du Capitaine Nemo » se distingue également par une action remarquablement peu crédible. Maquettes de sous-marins plus que médiocres, costumes ridicules, rebondissements téléphonés, action rendue moyennement fluide par le remontage des épisodes télé : on est parfois en pleine reconstitution de patronage, en retard de dix ans par rapport à l’évolution du divertissement dans les années 1970. Le film se distingue également par une maltraitance assez constante des principes scientifiques les plus élémentaires : absence de dépressurisation, rayons laser tirés sous l’eau, c’est la totale !
Il faut cependant souligner que l’un des éléments les plus frappants du film est sa volonté de coller au plus près à l’esthétique « Star Wars », qui avait remporté le succès que l’on sait l’année précédente : tout est fait pour fusionner l’univers de Verne avec celui d’un succédané du film de George Lucas (bien que la série « Star Trek » vienne plus volontiers à l’esprit au vu du résultat) : droïdes, décors d’astronef, rayons lasers, duels à l’épée, c’est la totale, pour un résultat qui tient esthétiquement davantage du film de couloir. A une époque où les productions qui tentaient de prendre le train « Star Wars » en marche ne se comptaient plus, « Le Retour du Capitaine Nemo » est un bel exemple de fashion victim.
Nous avons trouvé l’Atlantide ! Incroyable, on dirait une maquette du Parthénon achetée aux Puces !
Le casting est moyennement inspiré : le grand acteur José Ferrer (Nemo) paie ses impôts avec dignité, et Burgess Meredith (Cunningham) a l’air de s’amuser, mais Mel Ferrer (aucun lien de parenté avec José : c’est d’ailleurs la seule rencontre à l’écran des deux homonymes), en savant traître dont on découvre la duplicité une minute après son entrée en scène, a l’air de s’ennuyer assez profondément.
Bon, ben au point où j’en suis, je n’ai plus qu’à aller tourner dans « L’Avion de l’Apocalypse »…
Les deux héros de l’US Navy sont si inexpressifs que l’on peinerait à les reconnaître en photo une heure après avoir vu le film et Linda Day George est aussi ridicule en physicienne que le serait Marguerite Yourcenar en pom-pom girl.
Mais la palme revient à Horst Buchholz dans le rôle du Roi de l’Atlantide, qui semble se demander à chaque instant ce qu’il a fait au bon Dieu pour se retrouver dans ce costume ridicule, lui qui a joué dans « Les Sept mercenaires ».
Sans battre des records, « Le Retour du Capitaine Nemo » nous garantit un gentil moment de rigolade. On pourra bien sûr être indulgent envers ce qui n’est, au final, qu’une production télé, mais c’est oublier que de nombreuses séries télévisées de science-fiction plus ou moins classiques (« L’Homme de l’Atlantide », pour rester dans le contexte sous-marin) ont tendance à se nanardiser gaillardement avec le temps, jusqu’à fournir de vraies perles du genre. « Le Retour du Capitaine Nemo », tout en restant extrêmement léger et sympathique d’un bout à l’autre, ne faiblit pas dans le divertissement et constitue une curiosité kitsch de très bon aloi. Ce n’est pas le mégalodon du nanar, mais c’est un bon petit goujon goûtu.