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2011 - NADIA EL FANNI UNE RESISTANTE PAR LE FILM

  • Mis à jour : 31 janvier 2015

NADIA EL FANI REALISE "LAÏCITE" : MENACE DE MORT

" Nous étions très nombreux, sous la dictature de Ben Ali, à penser que pour réclamer davantage de démocratie, revendiquer la laïcité était un bon moyen de confronter le pouvoir à ses contradictions. En même temps qu’il se présentait comme le garant des libertés individuelles, Ben Ali lançait sa police sur les gens pour des motifs comme « atteinte aux bonnes moeurs ? » ou « atteinte aux principes religieux », n’hésitant pas à s’appuyer sur de vieilles lois coloniales. Il ne cessait de donner des gages aux islamistes. Le grand mufti annonçait le début du ramadan à la télévision comme s’il s’agissait d’un événement officiel. Lorsque j’ai réalisé le montage de mon film précédent, Ouled Lénine, (projeté en 2010 dans le cadre du F5C) j’ai cherché des traductions de l’Internationale. Je me suis aperçue que dans la version arabe, le début du couplet « Il n’est pas de sauveur suprême, ni Dieu, ni César, ni tribun » était remplacé par une tout autre expression. Même chez les communistes, comme mon père, dirigeant du Parti tunisien, le refus de la référence à l’autorité de Dieu est un tabou que l’on ne pouvait transgresser. Il est impossible de se proclamer « athée ». Partout, en terres d’islam, cette proclamation peut vous valoir la prison, la mise au ban de la société, voire la mort. Je voulais être de ceux qui s’impliquaient dans ce combat pour la liberté d’expression. Le titre prévu pour le film d’alors était la Désobéissance. Pour la première fois depuis que je fais des films, j’ai menti sur le sujet pour obtenir des autorisations de tournage. Et quelques mois plus tard c’étaient la révolution, puis la chute de Ben Ali.


Laîcité inch a’allah Bande-annonce par toutlecine

Lors de la projection à Tunis en juin dernier, des islamistes ont attaqué la salle de cinéma.Ils portent plainte contre la réalisatrice. Le gouvernement transitoire n’est pas d’une sévérité exemplaire avec les islamistes qui commettent pas mal d’exactions. Revendiquer une constitution laïque deviendrait donc une source de « clivages » avec des gens violents, les progressistes qui la portent provoqueraient « le chaos ». Le gouvernement transitoire peut ainsi apparaître comme le seul garant de l’ordre. Et les islamistes sont ravis des limites qu’ils ne cessent de poser à la société et tentent de récupérer une révolution dont ils n’avaient rien pressenti.

Et l’avenir du film

Nadia El Fani. : "J’ai demandé à ce qu’il soit diffusé à la télévision tunisienne. A défaut, je produirai une édition DVD. Le film n’est pas antireligieux, il n’insulte personne mais cela n’empêche pas les islamistes de lui jeter l’anathème sans que les Tunisiens puissent s’en faire leur propre idée. Sa présentation en France me semble importante en raison de la présence d’une forte communauté tunisienne mais pas seulement. En même temps que Nicolas Sarkozy ne cesse de bafouer la laïcité, les musulmans sont stigmatisés, on prend les immigrés au piège de la question identitaire. Pour les progressistes, ces questions sont délicates à manier mais très intéressantes."