BIOGRAPHIE
Fille de déportée
Juliette Gréco est née d’un père d’origine corse, le commissaire de la police des jeux Gérard Gréco, et d’une mère bordelaise, Juliette Lafeychine (1899-1978).
Ses parents étant séparés, elle est élevée avec sa sœur aînée Charlotte à Bordeaux par ses grands-parents maternels. Leur mère les rejoint en 1933 et les emmène toutes les deux à Paris. Passionnée de danse, Juliette, en 1939, est petit rat à l’Opéra Garnier.
La guerre ayant éclaté, la famille retourne dans le sud-ouest de la France, en Dordogne. Les filles sont scolarisées à Montauban chez les « Dames noires », l’Institut Royal d’éducation Sainte Jeanne d’Arc. C’est là que leur mère participe à une filière d’évasion vers l’Espagne et Gibraltar via Bordeaux. Elle est arrêtée en 1943. Les deux sœurs s’enfuient par le premier train pour Paris mais sont suivies par un des agents de la Gestapo de Périgueux.
Elles sont brutalement capturées cinq jours plus tard devant le café Pampam, place de la Madeleine, et emmenées au siège de la Gestapo, 80 avenue Foch, où Charlotte est torturée, Juliette violemment battue, mais auparavant elle avait réussi, en se rendant aux toilettes, à jeter les documents compromettants4 que sa sœur, agent de liaison, transportait pour la Résistance. Elles sont emprisonnées à la maison d’arrêt de Fresnes. La mère et la sœur aînée sont déportées à Ravensbrück, où elles se retrouvent dans le même block que Denise Jacob, rejointes en février 1944 par Geneviève de Gaulle-Anthonioz. Elles en reviendront, après la libération du camp par l’Armée rouge, le 30 avril 1945.
En raison de son jeune âge, Juliette est libérée. Après avoir récupéré ses affaires au siège de la Gestapo française dans le 16e arrondissement de Paris, elle se retrouve seule et sans ressources « sur l’avenue la plus belle du monde, l’avenue Foch » avec un ticket de métro en poche. Elle se rend alors chez la seule personne de sa connaissance résidant dans la capitale, Hélène Duc, qui a été, avant la guerre, son professeur de français.
Elle sait que cette amie de sa mère habite près de l’église Saint-Sulpice, 20 rue Servandoni. L’adolescente y est logée et prise en charge. Elle s’habille des vêtements des garçons de la maison, les seuls disponibles, et d’une paire de chaussures donnée par une amie d’Hélène Duc, Alice Sapritch. Elle invente là le style Saint Germain.
Saint-Germain-des-Prés
Le quartier Saint-Germain-des-Prés est à deux pas de là et, en 1945, Juliette découvre le bouillonnement intellectuel de la rive gauche et la vie politique à travers les Jeunesses communistes. Hélène Duc l’envoie suivre les cours d’art dramatique dispensés par Solange Sicard.
Juliette décroche quelques rôles au théâtre (« Victor ou les Enfants au pouvoir » en novembre 1946) et travaille sur une émission de radio consacrée à la poésie.
Juliette noue des relations amicales avec de jeunes artistes (elle vit un temps avec le peintre Bernard Quentin au 7, rue Servandoni) et intellectuels du quartier de Saint-Germain-des-Prés, dont Anne-Marie Cazalis et Boris Vian. Jean-Paul Sartre lui permet de s’installer à l’hôtel La Louisiane où il réside : elle vit dans la chambre 10, la seule qui a une baignoire avec de l’eau chaude.
Elle y vit une romance avec un autre locataire, celui de la chambre 76, le musicien Miles Davis. Dans l’un des établissements de la rue Dauphine, Le Tabou, elle découvre par hasard, grâce à son manteau qu’elle avait posé sur la rampe et qui était tombé en bas d’un escalier, que celui-ci dispose d’une grande cave voûtée inutilisée que le patron appelle « le tunnel ». Juliette et ses amis trouvent l’endroit idéal pour y faire de la musique et danser tout en discutant de philosophie. Il suffit d’une semaine pour que les curieux viennent en nombre pour observer cette nouvelle et bizarre faune baptisée existentialistes. Juliette, devenue la célèbre muse de Saint-Germain-des-Prés sans avoir rien accompli de probant, décide alors de justifier sa célébrité en optant pour la chanson. Jean-Paul Sartre lui confie une sorte de mélopée qu’il a écrite pour sa pièce de théâtre « Huis clos » et lui conseille d’aller voir le compositeur Joseph Kosma pour que celui-ci en réécrive la musique qu’il ne trouvait pas réussie. C’est ainsi que Juliette interprète la chanson "Rue des Blancs-Manteaux", œuvre née de la plume du chantre de l’existentialisme et d’un compositeur rompu à l’art de mise en musique de la poésie (notamment celle de Jacques Prévert.
Selon l’écrivain espagnol Manuel Vicent, Juliette Gréco fut l’une des amantes d’Albert Camus. Au début des années 1960, elle a également une relation avec le producteur américain Darryl F. Zanuck, juste après avoir rompu avec Sacha Distel.
Débuts
En 1949, disposant d’un riche répertoire (de Jean-Paul Sartre à Boris Vian...), Juliette Gréco participe à la réouverture du cabaret Le Bœuf sur le toit. En 1951, elle reçoit le prix de la SACEM pour "Je hais les dimanches". En 1952, elle part en tournée au Brésil et aux États-Unis dans la revue April in Paris. En 1954, elle chante à l’Olympia. En mai 1958, son ami Boris Vian devient son directeur artistique et demande à André Popp de composer pour une nouvelle chanteuse, Juliette Gréco, « Musique mécanique »
Elle rencontre le comédien Philippe Lemaire, sur le tournage du film « Quand tu liras cette lettre » de Jean-Pierre Melville, et l’épouse le 25 juin 1953. Ils divorcent en 1956 après la naissance de leur fille Laurence-Marie (née le 24 mars 1954).
Elle repart pour New York et ses interprétations des plus grands auteurs français enthousiasment les Américains. Mel Ferrer, qu’elle a connu sur le tournage d’« Elena et les hommes » de Jean Renoir (1956) et devenu depuis un de ses « grands copains », lui téléphone depuis Mexico où va se tourner son prochain film, car il pense qu’elle conviendrait « à son producteur qui cherche une Française pour un petit mais très intéressant rôle dans « Le soleil se lève aussi » dirigé par Henry King. C’est ainsi qu’elle fait la connaissance de Darryl F. Zanuck, avec qui elle entame une relation amoureuse. Commence alors une carrière cinématographique menée en parallèle avec sa vie de chanteuse .
CARRIERE CINEMATOGRAPHIQUE
Elle tourne dans quelques-unes des productions de Zanick , notamment « Les Racines du ciel » (John Huston, 1958)
et « Drame dans un miroir » (Richard Fleischer, 1960), films dans lesquels elle partage l’affiche avec Orson Welles. Mais sa relation avec Zanuck est houleuse et s’achève sa relation. C’est avec le film d’aventure « Le Grand Risque » (Richard Fleischer, 1961) que s’achève sa carrière « hollywoodienne », sans qu’elle ait jamais mis les pieds dans les studios américains de la 20th Century Fox.
Retournée à sa carrière de chanteuse, elle ne tournera plus qu’épisodiquement. En 1965, lors d’un « dîner de têtes d’affiches » organisé par le magazine Télé 7 jours, elle est assise aux côtés de Michel Piccoli, dont elle tombe amoureuse. Ils se marient en 1966 et se séparent en 1977.
Au total ce furent plus de 32 films qui la virent tenir parfois des petits rôles mais aussi es rôles marquants comme notamment « Belphégor ou le Fantôme du Louvre » à la télévision.
Filmographie
1948 :« Les Frères Bouquinquant » de Louis Daquin : une religieuse
1949 : « Ulysse ou les mauvaises rencontres » (Aller et retour), court métrage d’Alexandre Astruc : Calypso
1949 : « Au royaume des cieux » de Julien Duvivier : Rachel
1950 : « Orphée » de Jean Cocteau : Aglaonice
1951 : « Sans laisser d’adresse » de Jean-Paul Le Chanois : la chanteuse — Elle chante "La Fiancée du prestidigitateur"
1951 : « Boum sur Paris » de Maurice de Canonge : elle-même — Elle chante" Je hais - les dimanches"
1952 :« Le Gantelet vert » (The Green Glove) de Rudolph Maté : la chanteuse — Elle chante "Romance" et "L’amour est parti"
1953 :« La Route du bonheur » (Saluti e baci) de Maurice Labro et Giorgio Simonelli : elle-même
1953 : « Quand tu liras cette lettre » de Jean-Pierre Melville : Thérèse Voise
1955 : « Elena et les Hommes » de Jean Renoir : Miarka, la bohémienne — Elle chante "Miarka" et "Méfiez-vous de Paris"
1956 : « La Châtelaine du Liban » (La Castellana del Libano) de Richard Pottier : Maroussia — Elle chante "Mon cœur n’était pas fait pour ça"
1956 : « L’Homme et l’Enfant » de Raoul André : Nicky Nistakos
1957 : « Œil pour œil » (Occhio per occhio) d’André Cayatte, Gréco (silhouette) chante "C’est de destin qui commande"
1957 : « Le soleil se lève aussi » (The Sun Also Rises) d’Henry King : Georgette Aubin
1958 :« Bonjour tristesse » d’Otto Preminger : elle-même — Elle chante "Bonjour tristesse"
1958 : « Les Racines du ciel » (The Roots of Heaven) de John Huston : Minna
1958 : « La Rivière des alligators » (The Naked Earth) de Vincent Sherman : Maria — Elle chante "Demain il fera jour"
1959 : « La Lorelei brune » (Whirlpool) de Lewis Allen : Lora — Elle chante "Whirlpool "et "Pieds nus dans mes sabots" (Barefoot In My Clogs)
1960 : « Drame dans un miroir » (Crack in the Mirror) de Richard Fleischer : Éponine/Florence
1961 :« Le Grand Risque » (The Big Gamble) de Richard Fleischer : Marie
1962 : « Maléfices » d’Henri Decoin : Myriam Heller
1964 : « Cherchez l’idole » de Michel Boisrond : simple apparition
1965 : « L’Amour à la mer » de Guy Gilles : l’actrice
1965 : « La Case de l’oncle Tom » (Onkel Toms Hütte) de Géza von Radványi : Dinah — Elle chante "Tant pis, tant pis pour moi" (So Much the Worse For Me)
1966 : « La Nuit des généraux » (The Night of the Generals) d’Anatole Litvak : Juliette — Elle chante "L’amour est plus jeune que la mort"
1967 : « Le Désordre à vingt ans », documentaire de Jacques Baratier : elle-même
1973 : « Le Far West » de Jacques Brel : simple apparition
1975 : « Lily aime-moi » de Maurice Dugowson : Flo
2001 : « Paris à tout prix », télésuite documentaire d’Yves Jeuland : elle-même
2001 : « Belphégor, le fantôme du Louvre » : la dame qui passe dans le cimetière
2002 : « La Dernière Fête » de Jedermann (Jedermanns Fest) de Fritz Lehner : Yvonne Becker