PALMARES DU FESTIVAL DU FILM D’ANIMAATION D’ANNECY
Article de référence _ TELERAMA
L’édition 2022 du Festival du film d’animation d’Annecy, particulièrement riche, s’est achevée ce samedi 18 juin. “Le Petit Nicolas – Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?”, d’Amandine Fredon et Benjamin Massoubre, remporte la récompense suprême.
Synopsis =
Penchés sur une large feuille blanche quelque part entre Montmartre et Saint-Germain-des-Prés, Jean-Jacques Sempé et René Goscinny donnent vie à un petit garçon rieur et malicieux, le Petit Nicolas. Entre camaraderie, disputes, bagarres, jeux, bêtises, et punitions à la pelle, Nicolas vit une enfance faite de joies et d’apprentissages. Au fil du récit, le garçon se glisse dans l’atelier de ses créateurs, et les interpelle avec drôlerie. Sempé et Goscinny lui raconteront leur rencontre, leur amitié, mais aussi leurs parcours, leurs secrets et leur enfance.
C’est une magnifique édition 2022 du Festival du film d’animation qui s’est achevée samedi soir avec son lot traditionnel de petites frustrations. Le chouchou= de TELERAMA est « Interdit aux chiens et aux Italiens » d’Alain Ughetto, long métrage en pâte à modeler et en stop motion, qui offre la plus tangible et douce des matières à l’intime et à la grande Histoire en témoignant, de plus, du geste manuel dans l’animation, n’a reçu « que » le Prix du jury.
Synopsis =
Avant de mourir, mon père m’a raconté la légende de notre famille : durant des générations, nous sommes nés, nous nous sommes mariés et nous sommes morts dans un village piémontais, Ugheterra, "terre des Ughetto", où tous les habitants ont le même nom de famille que nous. Qui étaient ces gens ? Comment vivaient-ils ? Pourquoi ont-ils fui et où sont-ils allés ?
Devant la grande qualité des longs métrages, cette année, le jury n’a su résister à donner deux mentions. Il s’est montré plus séduit que nous par « My Love Affair with Marriage », de Signe Baumane, et sa mise en scène très organique, et musicale, des luttes intérieures d’une jeune fille en quête de l’amour parfait envers et contre sa propre biologie.
En revanche, merci à lui d’avoir mentionné le passionnant objet de cinéma de Pierre Foldes,« Saules aveugles, femme endormie », adapté de nouvelles de Haruki Murakami, dont, en effet, l’étrangeté et la beauté languide captivent. Un conte à plusieurs personnages post-tsunami et autant de strates, fugues et fantasmagories, qui cite Nietzsche, John Ford, Joseph Conrad, et dont le scénario à tiroirs et l’esthétique pop dépressive flirtent souvent avec David Lynch.
Un pari réussi d’animation pour adultes de la part des très dynamiques Miyu Productions (en association avec Cinéma Defacto) qui, cette année, ont aussi emporté le Prix du jury des courts métrages grâce à « Steakhouse », de Spela Cadez, petit morceau d’anthologie sur des rapports de couples… saignants : neuf minutes de merveilleuse technique de dessin sur papier pour qu’une épouse maltraitée se retrouve bien heureuse, grâce à un steak bien trop cuit, que son mari se taise, enfin. Avec ce court métrage, Spela Cadez tranche dans le vif de la toxicité masculine au sein du couple !
Quelques belles découvertes de cinéma restent cependant sans récompenses, sur l’étagère des regrets. Le jury a par exemple boudé la folie cruelle d’« Unicorn Wars », d’Alberto Vázquez (dont on avait adoré Psiconautas en 2015). Pas de prix pour ce conte noir d’une féroce originalité, où des oursons sanguinaires et fanatiques entreprennent un génocide de… licornes.
Très loin de ces délires graphiques, deux autres films auraient mérité de ne pas repartir bredouilles : « Charlotte », d’Éric Warin et Tahir Rana,
et « Nayola », de José Miguel Ribeiro, racontent chacun à leur manière un destin de femme dans les tourments de la guerre.
Malgré des contextes, esthétiques et approches radicalement différents, ces œuvres fortes interrogent avec la même pertinence les questions de l’exil et de l’errance, entre arrachement familial et trauma collectif. « Charlotte » rend hommage à la jeune peintre juive allemande Charlotte Salomon, qui a fui Berlin pour la Côte d’Azur pendant la Seconde Guerre mondiale, avant d’être arrêtée et de mourir à Auschwitz en 1943. Les deux réalisateurs l’évoquent en douceur, malgré les épreuves et les horreurs, dans un dessin animé d’une grande beauté classique, qui sait jouer avec les œuvres de l’artiste, animer ses peintures où la vie, têtue et poignante, explose de couleurs chaudes.
Autre voyage au bout de l’enfer, celui de « Nayola » nous a plongés en pleine guerre civile angolaise. Entre désolation apocalyptique et moments d’onirisme saisissant, José Miguel Ribeiro mêle avec une remarquable puissance d’évocation les portraits de trois générations au féminin (la Nayola du titre, sa mère et sa fille) : une fresque monumentale, violente et bouleversante, à la fois réaliste et animiste, qui, on l’espère, pourra un jour prendre sa revanche sur Annecy dans les salles de cinéma.
Cinéma d’animation
Festival international du film d’animation d’Annecy
Cécile Mury, Guillemette Odicino