Le cinéma colombien

  • Mis à jour : 7 février 2015

Au cours son histoire, le cinéma colombien n’a pas toujours été considéré comme une industrie rentable, ce qui fit obstacle à une continuité de sa production. Lors des premières décennies du XXe siècle, quelques compagnies ont essayé de nourrir un niveau constant de production ; mais le manque d’appui économique et la forte concurrence étrangère ont cassé les initiatives.

Grâce à la création de la Compañía de Fomento Cinematográfico (FOCINE), quelques productions ont pu être réalisées. Cependant, cette compagnie a été liquidée au début des années 1990. Actuellement, grâce à la loi du cinéma approuvée en 2003, des initiatives renaissent autour de l’activité cinématographique, ce qui permet une relance du cinéma colombien, tant sur le plan national qu’international.

Histoire

Premières oeuvres

L’histoire du cinéma colombien a débuté le 13 juin 1897, date à laquelle le premier cinématographe est arrivé dans le pays par le port de Colón, grâce à Gabriel Veyre qui était parti du port du Havre le 11 juillet 1896 à destination de l’Amérique. Le 21 août 1897, au Théâtre Peralta de Bucaramanga, est réalisé ce qui est considéré comme étant le premier long métrage sur le territoire colombien actuel. Le 1er septembre 1897, Ernesto Vieco présente pour la première fois au Théâtre municipal de Bogotá, une projection de cinéma à l’aide d’un vitascope.

Peu après l’introduction du cinématographe en Colombie, le pays est en proie à une guerre civile appelée la Guerre des Mille Jours, provoquant la suspension de toutes les productions cinématographiques durant cette période.

En 1905, le général Rafael Reyes Prieto, qui est président de la République, engage un cadreur français afin de filmer les principaux évènements officiels de la vie publique. A l’époque, les archives cinématographiques représentent surtout des actes officiels, des inaugurations solennelles et des revues militaires. A cette époque, l’essor économique de la Colombie a favorisé le développement du cinéma. Beaucoup de films ont été importés et plusieurs salles de cinéma ont été construites, tel l’Olympia de Bogotá inauguré en 1912. On retrouve ainsi les frères italiens Vincenzo et Francisco Di Domenico qui importaient des films français et italiens en Colombie. Ces mêmes frères ont profité de l’assassinat du général Uribe le 15 octobre 1914 pour sortir, un an plus tard, le documentaire « El drama del 15 octubre » (« Le drame du 15 octobre »). Ce film fit scandale car il montrait les deux assassins du général Uribe interviewés dans leur cellule4.

Cinéma muet

L’époque du cinéma muet en Colombie est une époque dorée dans l’histoire du cinéma colombien puisque, entre 1921 et 1927, plus de douze longs métrages ont été diffusés sur grand écran, soit plus de deux films par an. Avec María d’Alfredo del Diestro et Máximo Calvo Olmedo en 1922, on entre réellement dans l’ère du cinéma muet. Ce film s’est basé sur le roman La María de Jorge Isaacs qui a été un best-seller en Colombie dès sa publication en 1867. Il ne reste plus aucune copie de ce film. Calvo a conservé quelques photographies du film dans un album et la Fundación Patrimonio Fílmico Colombiano possède encore un fragment de 45 secondes de ce film qui durait trois heures5.
Un autre film de fiction, « Aura o las violetas » (« Aura ou les violettes »), a été adapté d’une oeuvre littéraire de José María Vargas Vila et mis en scène par les frères Di Domineco en 1924. Le court métrage racontait l’histoire d’un mariage conflictuel entre un riche vieillard et une jeune fille pauvre.

Arturo Acevedo Vallarino, producteur et directeur d’une compagnie nationale de théâtre à Antioquia, a été un autre pionnier du cinéma colombien. En effet, après l’introduction de films étrangers en Colombie, les théâtres n’étaient plus aussi rentables et Acevedo a décidé de créer une maison de production, Acevedo e Hijos (« Acevedo et Fils ») en 1920. Cette société de production a notamment produit La tragedia del silencio (« La Tragédie du silence ») en 1924

et Bajo el cielo antioqueño (« Sous le ciel d’Antioquia ») en 1925.

Les films en Colombie ont surtout abordé des thèmes comme la nature, le folklore et le nationalisme, avec quelques exceptions où les films étaient issus de la littérature. En 1926, le film « Garras de oro », réalisé par P.P. Jambrina, s’est basé sur un fait politique, à savoir la séparation du Panamá de la Colombie en 1903, tout en critiquant le rôle joué par les Etats-Unis lors de cet évènement historique.

La production cinématographique ne se concentrait pas que sur Bogotá. Grâce à une volonté de décentralisation, plusieurs films ont été tournés dans d’autres villes telles que Cali, Medellín, Barranquilla, etc. Par ailleurs, c’est à Cali que fut fondée en 1923 la compagnie « Colombia Film », afin de réaliser des films demandant davantage d’exigences techniques. Elle assura notamment la production de deux longs métrages de Camilo Cantinazzi : « Suerte y azar » (« La Chance et le Hasard ») en 1925 et « Tuya es la culpa » (« C’est ta faute ») en 1926.

Le film « Alma provinciana » (« Ame provinciale ») , réalisé en 1925 par Félix Joaquín Rodríguez, est considéré comme étant l’un des meilleurs films du cinéma muet colombien sur le plan technique. En effet, son réalisateur, qui avait émigré aux Etats-Unis de 1915 à 1919 et fréquenté le milieu hollywoodien, était revenu en Colombie après avoir appris les techniques de bases de la prise de vues, du développement et du montage.

Les principaux longs métrages de l’époque du cinéma muet en Colombie ont été perdus et les copies sur support inflammable ne peuvent plus être consultées. Pour certains de ces films, il subsiste également quelques photographies.

Les débuts du cinéma sonore

Vers 1928, avec l’arrivée du cinéma sonore, c’est la fin de l’âge d’or de la production cinématographique colombienne qui connaît des difficultés. Le cinéma muet ne peut opposer de réelle résistance face à cette nouvelle technologie plus onéreuse et compliquée à faire. Les films locaux ont été incapables de rivaliser avec les films hollywoodiens offrant une meilleure qualité. A cela s’ajoute la compétitivité des films argentins et mexicains. Ainsi, les frères Di Domenico, qui considéraient le cinéma sonore comme un obstacle infranchissable, vendirent leur stock de films étrangers ainsi que leur matériel cinématographique. En revanche, les frères Acevedo ont continué à projeter régulièrement leurs « Actualités colombiennes » qui traitaient d’évènements officiels, sportifs et sociaux, et ce jusqu’en 1948.

En 1931, les recherches techniques sur le cinéma sonore, réalisées par Carlos Schroeder qui est d’origine allemande et César Estévez, donnent naissance à un nouvel appareil perfectionné : le Cine Voz Colombia. Cette invention était capable de s’adapter sur n’importe quel projecteur de cinéma muet et de permettre la reproduction du son à partir de disques.

Les premières productions

Produit par Acevedo e Hijos et Carlos Schroeder, le premier film sonore colombien a été « Los Primeros ensayos del cine parlante nacional ». Lors de sa sortie en salle le 1er avril 1937, il durait 25 minutes et seulement 9 minutes ont pu être préservées.

« Al son de las guitarras » (« Au son des guitares ») a été réalisé en 1938 par Alberto Santana et supervisé par Carlos Schroeder. Entre 1941 et 1945, dix longs métrages colombiens de fiction ont été réalisés par quatre compagnies :
A la maison de production Calvo Film, créée en 1941 par Máximo Calvo, a dirigé la production de Flores del valle (« Fleurs de la vallée ») en 1941 et Castigo del Fanfarrón en 1944 ;
- en 1942, Oswaldo Duperly et les frères Leopoldo et Georges Crane Uribe fondent la compagnie Ducrane Films, le nom de l’entreprise étant issu de l’association de leurs patronymes. Ils ont réalisé divers films tels que Allá en el trapiche (« Là-bas au pressoir ») de Roberto Saa Silva et Gabriel Martínez en 1943, Golpe de gracia (« Coup de grâce ») de Hans Brückner et Oswaldo Duperly en 1944, Sendero de luz (« Sentier de lumière ») d’Emilio Alvárez Correa en 1945 ;
- en 1943, certains acteurs, s’étant séparés de la Ducrane Films, ont fondé la compagnie Patria Films dirigée par Alfonso Gaitán, Gabriel Martínez, Humberto Onetto et Lily Alvárez. Ils ont produit Antonia Santos et Bambucos y Corazones en 1944, ainsi que El sereno de Bogotá (« Le Veilleur de nuit de Bogotá ») en 1945 ;
- en 1944, Cofilma a été fondée par des capitalistes d’Antioquia et a permis la production de Anarkos en 1944 et de La canción de mi tierra (« Le chant de ma terre ») en 1945.

Fondées lors de la Seconde Guerre mondiale, ces quatre compagnies cessèrent leurs activités en 1946.

1950-1960 : une période de transition

Durant cette période, de nouvelles compagnies se créèrent mais eurent la vie courte. Parmi elles, Caribe Sonofilms (1951-1953), Procinal (1947-1955) avec la réalisation du film Colombia Linda (« Belle Colombie ») en 1955, etc.

Dans les années 1950, Gabriel García Márquez et Enrique Grau ont tenté de relancer l’industrie cinématographique. Ils réalisent en 1954, avec l’aide de l’écrivain Álvaro Cepeda Samudio et du photographe Nereo López, le court-métrage surréaliste « La langosta azul » (« La Langouste bleue »)

Le film le plus important des années 1950 fut certainement « El milagro de la sal » (« Le Miracle du sel » ), réalisé à Zipaquirá, près de Bogotá, par le réalisateur mexicain Luis Moya Sarmiento en 1958. Nous pourrions également citer « La gran obsesión » (« La Grande Obsession ») de Guillermo Ribón Alba, produit en 1955.

Période contemporaine

Dans les années 1970, en Colombie et dans d’autres pays voisins comme le Brésil ou le Venezuela, on assiste à la naissance de la pornomisère où certaines productions cinématographiques décident de se tourner vers la pauvreté et la misère humaine, afin de gagner de l’argent et avoir une reconnaissance internationale. De nombreux thèmes tels que la misère du peuple, la vie des marginaux, les enfants des rues, les activités de trafic de drogue, l’indifférence et la corruption politique sont abordés dans ce nouveau style de cinéma. Un des films qui présente toutes les caractéristiques de ce genre a été Gamin (« Clochard »), un documentaire de Ciro Durán en coproduction avec l’Institut national de l’audiovisuel français, paru en 1978, à propos des enfants des rues de Bogotá, qui ont rompu leurs attaches familiales pour vivre de mendicité et de prostitution.

Les critiques de la pornomiseria estimaient que cette tendance n’abordait pas assez en profondeur les problèmes sociaux et avait une vision trop réductrice car il n ???y avait pas de véritables recherches sur le terrain.
En 1971, une nouvelle législation essaie de réglementer les courts et longs métrages. Il s’agit du décret no 1309, complété par la Résolution no 315 de la Superintendencia de los precios, qui a encouragé la production de films colombiens en répartissant des pourcentages entre le producteur, le distributeur et l’exploitant. Ce décret a eu pour conséquence un fort développement des courts-métrages. La même année, à Cali, la compagnie de production de cinéma Cine Colombia inaugure le premier multiplexe cinématographique en Colombie.

La Junta Asesora de Calidad (Conseil consultatif de qualité) est créée en 1974 et dépend de la section cinématographique du Ministère des Communications. Elle avait pour objectif de freiner la production des « mauvais » courts-métrages en les rejetant ou en les privant d’aides au lancement, ce qui a conduit à une baisse sensible de la production de films.

Chaque année est organisée, fin juillet-début août, une grande fête populaire à Medelin dite « fiesta de las flores ». Le cinéaste Victor Gaviria, enfant du pays, y a lancé depuis quatre ans un festival de cinéma colombien. Une manifestation qui, à la nuit tombée, projette ses films en plein air sur les places adjacentes aux stations du métro aérien de Medellin. Ces soirées de Ciné-Métro ont quelque chose d’unique. Il est courant d’entendre les critiques ou spécialistes de cinéma dire qu’il n’y a pas véritablement de cinéma colombien mais plutôt des films colombiens. Un point c’est tout. La remarque valait en ce qui concerne les quinze dernières années. Mais les choses sont en train de changer. Depuis 1998, une série de dispositions nouvelles ont été prises dans le domaine du cinéma de la part de l’Etat, via des structures d’appui et de soutien (à statut privé mais encadrées par l’administration). De fait, et même si le système est loin d’être parfait, l’Etat colombien commence à soutenir son cinéma national.
Un constat peut cependant être opéré : de plus en plus de jeunes auteurs de scénarios se bousculent au portillon du système d’appui de Pro-Imagenes Colombia, dans le court et le long métrage fiction.

Documents joints

LES FILMS COMLOMBIENS DE CES DERNIERES ANNEES, Zip, 23.3 ko