Le cinéma cambodgien

  • Mis à jour : 24 février 2015

CINEMA CAMBODGIEN

Les années 1950 : les débuts

Dès les années 1920, des documentaires sont tournés par des étrangers au Cambodge, mais ce n’est que dans les années 1950 que les premiers films cambodgiens sont produits, des films muets tournés par des réalisateurs formés à l’étranger, comme Roeum Sophon, Ieu Pannakar et Sun Bun Ly.. A cette époque, le United States Information Service organise des ateliers de formation et fournit le matériel de tournage.

Dan Prean Lbas Prich (Footprints of the Hunter / Les Empreintes du chasseur) est tourné à cette époque par du personnel militaire cambodgien avec un équipement américain. L’un des réalisateurs les plus prolifiques de l’époque n’est autre que roi (et ancien roi) Norodom Sihanouk, qui a écrit, produit et réalisé de nombreux films.

Au lendemain de l’indépendance du Cambodge en 1953, le monarque s’est fait remarquer en insufflant un fort élan artistique, comme si le pays devait se reconstruire une identité propre. Le premier film de Sun Bun Ly est Kar Pear Prumjarei Srei Durakut (Protect Virginity / Protéger la virginité) . Il crée également la première société de production privée : Ponleu Neak Poan Kampuchea. Son succès inspire Ly Bun Yim.

Les années 1960 : l’âge d’or

Jusqu’à ce que la guerre se propage du Vietnam voisin à la fin des années 1960, le Cambodge a connu un renouveau créatif sans précédent. Le septième art n’était pas en reste. Entre 1960 et 1975, quelque 350 films ont été produits, rappelle Kon, magazine réalisé en 2010 par des étudiants, sous la houlette du spécialiste du cinéma du Sud-Est asiatique Tilman Baumgärtel, auteur de l’article ci-dessus.

Une majorité d’entre eux mettait en scène des légendes khmères regorgeant d’êtres surnaturels. Si Sihanouk envoya certains techniciens se former en France, la plupart des réalisateurs qui émergèrent alors, dont Ly Bun Yim ou Yvon Hem, étaient autodidactes. On comptait une trentaine de cinémas et vingt-trois sociétés de production. Le coût du billet d’entrée est modique, et le public se partage entre les étudiants et intellectuels qui préfèrent les films européens et la classe ouvrière et la population rurale qui apprécient les films cambodgiens.

Parmi les classiques de cette période, on peut citer Lea Haey Duong Dara (Goodbye Duong Dara / Au revoir Duong Dara) et Pos Keng Kang (The Keng Kang Snake / Le Serpent de Keng Kang) de Tea Lim Kun ou encore Sapp Seth (1965) Le roi Puthysen (1968) et Au Euil Srey An (Khmer After Angkor ) de Ly Bun Yim.

Norodom Sihanouk

C’est également l’époque ou Norodom Sihanouk (encore prince) produit et réalise des comédies sentimentales mélodramatiques à message social. Féru de cinéma depuis ses années d’études à Saigon dans les années 1930, il réalise son premier long-métrage Apsara en 1966. Il joue lui-même dans ses films et y fait figurer ses proches. Parmi ses autres films de cette période, on peut citer Ombre Sur Angkor (1967) et Rose de Bokor (1969).

Les années 1970 et 1980

Les films les plus connus de cette époque sont On srey On (un mélodrame sur un triangle amoureux) et Thavory meas bong. Ces deux films ont pour bande-son la musique du chanteur cambodgien Sinn Sisamouth.

Mais aussi Khmers après Angkor (1971) de Ly Bun Yim

Le déclin commence en 1975, avec la chute de Phnom Penh aux mains des Khmers rouges. Pendant cette période il n’y a plus que des films de propagande produits par le régime, ainsi que des images de l’actualité diplomatique.

Moeum

Avec l’invasion du Cambodge par le Vietnam en 1979, et l’installation de la République Populaire du Kampuchéa, les cinémas de Phnom Penh sont ré-ouverts. Mais l’industrie locale peine à reprendre puisque tous les réalisateurs et acteurs des années 1960 ont fui le pays ou sont morts. La plupart des négatifs et des copies de film ont également disparu, détruits ou perdus. "Nous manquons d’acteurs de talents d’une part et de budgets d’autre part. Les cinéastes, les jolis acteurs et actrices sont nombreux mais ils sont maladroits" disait Mme Mè MOEUNdoyenne des actrices du Cambodge, décédée en 1996. Elle a tourné plus de 300 films et s’était spécialisée dans les rôles de mère. L’un de ses films, où elle refusait de donner sa fille à un riche bourgeois, lui valut la vie sauve sous les Khmers rouges. (mais sept de ses huit enfants disparurent).

Devant ce qu’il reste du studio L’Oiseau de Paradis à Phnom Penh, le réalisateur Yvon Hem est face à ses deux enfants. Alors il raconte : « D’abord pour oublier. Ca m’aurait brisé le coeur. Après Pol Pot, il ne restait plus rien. Tout avait brûlé. » Lorsque le réalisateur français Marcel Camus vient tourner L’Oiseau de Paradis au Cambodge au début des années 1960, c’est la soeur d’Yvon, Nary Hem qu’il choisit pour incarner le rôle principal de la danseuse Dara. Alors que le cinéma cambodgien n’en est qu’à ses prémices, ce sera le nom du film de Camus que le réalisateur Yvon Hem donnera lorsqu’il réalisera son studio.

Les films distribués sont donc des films vietnamiens, soviétiques ou indiens. Le public se lasse assez vite de ces films manichéens ayant pour sujet la lutte des classes dans le plus pur style du réalisme socialiste soviétique. Mais les autres films, asiatiques, européens non communistes, ou américains sont interdits.

Une industrie commence à se rebâtir prudemment, se consacrant à un cinéma de divertissement . Les films de cette période tels Chet Chorng Cham (Reminding the Mind) ou Norouk Pramboun Chaon (Nine Levels of Hell) montrent la misère subie par la population cambodgienne sous le régime khmer rouge et son soulagement sous le régime installé par le Vietnam. Malheureusement, cet élan est de courte durée, coupé net par l’arrivée de la vidéo et l’invasion de feuilletons thaïlandais. Notons quand même L’homme des ténébres (1988) de Yvon Hem

Les années 1990 : Rithy Panh

L’avenir du cinéma cambodgien semble venir de l’étranger : après deux documentaires, le réalisateur Rithy Panh - formé à l’IDHEC à Paris après avoir fui le pays sous le régime khmer rouge - réalise en 1994 Les Gens de la rizière , le premier long-métrage de fiction depuis des années. Le film, une co-production franco-germano-cambodgienne, est sélectionné en compétition au Festival de Cannes.

Un Soir apres la guerre - Comédie dramatique - Date de sortie : 16/12/1998 de Rithy Panh avec Chea Lyda Chan, Peng Phan. Ses films interrogent l’histoire du Cambodge, et la possibilité d’une reconstruction après les massacres des Khmers rouges, comme S21, la machine de mort Khmère rouge , documentaire réalisé en 2003 sur le génocide de la prison de Tuol Sleng.

Il a également en projet de créer une école de cinéma à Phnom Penh. A noter aussi L’héritage des morts en 1991 réalisé par Mao Ayuth.

Même si aujourd’hui la production locale se concentre autour de vidéos pour karaoke ou de feuilletons télévisés, l’industrie du cinéma commence à se reconstruire lentement. En avril 1997, le Centre Culturel Français a organisé la Première Biennale des Cinémas et de l’Image de l’Asie du Sud-Est à Phnom Penh.

Les années 2000 : la lente reprise

En 2001, Fay Sam Ang réalise Kon Pouh Keng Kang (The Snake King’s Daughter / La Fille du roi-serpent), remake d’un classique cambodgien des années 1960. Bien qu’il s’agisse d’une co-production avec la Thaïlande, avec en vedette l’acteur thaïlandais Winai Kraibutr, le film est considéré comme le premier long-métrage cambodgien à sortir au Cambodge depuis l’ère khmère rouge.

Suvanant Kongying

En 2003, des propos mal reproduits par la presse de l’actrice thaïlandaise Suvanant Kongying, affirmant que le Cambodge a volé Angkor démarrent une violente polémique qui aboutit à l’interdiction des films et des programmes télévisés thaïlandais. Comme ils constituent l’essentiel des images diffusées au Cambodge, cela crée un grand vide que l’industrie locale va commencer lentement à tenter de remplir. Les Artistes du théâtre brûlé - Documentaire de Rithy Panh Le Cambodge est un pays aux rêves brisés. Il n’y a plus de théâtre, plus de salle de spectacle. Les arts traditionnels et populaires sont en train de disparaître à leur tour, face à la concurrence de la télévision. Mais il existe encore des artistes.

Un festival est créé à Phnom Penh en novembre 2005. L’essentiel de la production qui est montrée se constitue de films d’horreur à petit budget comme Nieng Arp, ou Lady Vampire. La récompense pour le meilleur film est attribuée au film Les Larmes du Crocodile - un film qui raconte l’acte de bravoure d’un homme qui venge la mort des gens de son village, incarné par le chanteur Preap Sovath.

Parmi les autres films récents, on peut citer Tum Teav, inspiré de Roméo et Juliette ou A Mother’s Heart, drame familial de Pan Phuong Bopha, l’une des rares femmes auteur-réalisatrice au Cambodge.

Même si l’intérêt pour l’industrie cinématographique est grandissant, il reste de nombreux écueils, comme le manque de formation technique, l’absence de distribution viable, et le laxisme en matière de respect des droits d’auteur, qui découragent les investisseurs.

Films étrangers tournés au Cambodge

Le site d’Angkor a toujours attiré de nombreux tournages, comme Lord Jim , en 1965, avec Peter O’Toole. Mais les étrangers n’y reviennent que depuis 2000. En 2001, le film Lara Croft : Tomb Raider avec Angelina Jolie a été tourné dans les environs d’Angkor. En 2003, le film de Wong Kar-wai In the Mood for Love (qui comporte également des images d’archives de la visite du Général de Gaulle à Phnom Penh en 1966) et Deux Frères de Jean-Jacques Annaud ont été tournés à Angkor.

Le film La Déchirure qui décrit le Cambodge sous le régime Khmer Rouge, avec l’acteur cambodgien Haing S. Ngor dans le rôle du journaliste Dith Pran, a été tourné en 1984 en Thaïlande.

Les années 2010 :

Au cours de l’année écoulée, deux complexes ont ouvert leurs portes à Phnom Penh. A l’affiche, parmi les superproductions étrangères, quelques films locaux, comme La Fille de 25 ans ou Lost Love, récit d’une rescapée des Khmers rouges. De quoi redonner un peu d’espoir. Autre signe prêtant à l’optimisme, la multiplication des tournages étrangers encouragés par la mise sur pied d’une Commission du film du Cambogde à l’initiative du cinéaste Rithy Panh, auteur du récent documentaire Duch, le maître des forges de l’enfer.

D’autres films à l’affiche accentuent ce renouveau :

Le Sommeil d’or - Documentaire de Davy Chou (28 ans) . Avec ce film, il signe un premier long-métrage documentaire, remarqué mi-octobre au Festival de Busan (Corée). Le petit-fils du plus gros producteur du cinéma cambodgien fait revivre l’espace d’une heure trente la production de l’époque : 400 films produits entre 1960 et 1976, dont seuls quelques uns ont survécu au régime de Pol Pot. De la plupart de la production de cet âge d’or du cinéma khmer, les copies n’ont jamais été retrouvées. Beaucoup d’acteurs ou de réalisateurs ont péri pendant le génocide.

Le sommeil d’or / Trailer français from Vycky Films on Vimeo.

Un barrage contre le Pacifique de Rithy Panh avec Isabelle Huppert, Gaspard Ulliel. En Indochine française, l’histoire tragique d’une mère et de ses deux enfants vivant dans le dénuement le plus total.