LE CINEMA EGYPTIEN
La naissance
En 1896 (un an après la première projection cinématographique des Frères Lumière à la Ciotat), les premières projections de cinéma se déroulent dans le Hammam Schneider et dans des cafés en Egypte. C’est en 1906 qu’apparaît la première salle de cinéma et 5 ans plus tard ce sont 6 salles de cinémas qui ouvrent au Caire. En 1917, ce nombre s’élève à 80. Les premières premiers cinémas appartenaient presque exclusivement à des descendants européens et étaient dans des mains économiques étrangères.
Au début, les spectateurs égyptiens ne pouvaient assister qu’à des films français et quelques films italiens. Tous les films étaient des films muets. Ce n’est que vers les années 1912-1915 que les premières scènes de films sont tournées en ??gypte. Ces petits films montrent principalement des scènes du quotidien. Le premier films égyptien est un moyen métrage produit en coopération italo-égyptienne d’une durée d’environ 35 minutes qui reste sans succès parce que sans fond intéressant et joué par des acteurs étrangers.
Dès 1917,Muhammad Bayoumi tournait le Fonctionnaire , comédie satirique à succès, alors que Muhammad Karim incarnait le héros dans l’Honneur d’un Bédouin. Le premier long-métrage égyptien, Leila, est réalisé par Aziza Amir en 1928.
Mais c’est dans les années 1930, avec l’arrivée du son, que le cinéma égyptien se développe. En 1932, Awlad al-Zawat, avec Yusuf Wahbi et Amina Rizk , est le premier film parlant. En 1935, Talaat Harb fonde les studios Misr, ce qui permettra à l’ ??gypte d’avoir des studios équivalant aux principaux studios hollywoodiens. Le cinéma deviendra le secteur industriel le plus profitable après le textile.
Du parlant aux années 50
Le cinéma s’est développé beaucoup plus rapidement en ??gypte que dans tous les autres pays du Moyen-Orient. La vie y était dynamique et multiculturelle et n’était pas trop influencée par les colonialistes. Le gouvernement protège la langue arabe en 1942. L’arabe devient obligatoire ce qui aurait été impossible sous protectorat.
L’apparition du cinéma parlant (1932) et l’émergence de l’immense chanteur Mohamed Abdel Wahab dans son film La Rose blanche (1932) firent naître un genre nouveau, permettant l’entrée en scène de la comédie musicale, genre au sein duquel se retrouveront tous les grands de la chanson égyptienne : Farid El Atrache, Chadia, Muhammad Abd al-Wahhab, Oum Kalsoum, Layla Murad, Sabah. Widad d’Ahmad Badrakhan , est le premier film musical dans lequel chante Oum Kalsoum.
MOHAMED ABDEL WAHAB EL KAMH EL LEYLA par LAHMI
Mais la comédie musicale égyptienne réussit a inventer un style radicalement différent de Hollywood. Le « Cycle de cinéma égyptien » paru en 2004 montre comment Henri Barakat, réalisateur, Farid al Atrache à la chanson et Samia Gamal à la danse ont enchanté le cinéma égyptien des années 1950 avec une demi-douzaine de films musicaux.
Le mélodrame
Jusqu’en 1940, les metteurs en scène se limitent à la farce ou au mélodrame : leur thème privilégié est celui de l’amour impossible entre une bergère et un prince, alors que les dénouements des intrigues complexes garantissent la victoire de l’innocence sur le vice. Aux moments d’intense suspense, des chansons aèrent la tension, et l’entièreté des acteurs ne tarde pas à pousser une chansonnette.
Dans les années 1940, la fin des restrictions d’importation et la fin de la 2e guerre mondiale permettent le mélange des genres au cinéma. On retrouve la danse orientale (danse du ventre) et folklorique qui se mélangent aux éléments du Music Hall américain. On retrouve de nombreuses adaptations du cinéma américain.
?? la veille de la Seconde Guerre mondiale, le cinéma égyptien tente de quitter confort ou loisir, pour se rendre dans les rues et ruelles du Caire.
En 1938, les Studios Misr produisent un film du réalisateur allemand Fritz Kramp : Lachine . Le film salué par la critique pour son excellente qualité technique dresse le portrait de la situation politique et sociale au temps du roi Farouk. Parlant de la relation entre l’ ??tat et son peuple, le film fut interdit le lendemain de sa grande première et les projections ne reprirent que huit mois plus tard avec un scénario largement modifié. Ce film permettra malgré tout de démontrer le grand savoir-faire des Studios Misr.
Le cinéma réaliste
L’année suivante, Abd al-Ghani Kamal Salim (1913-1945) est le premier réalisateur égyptien à faire partager ses préoccupations politiques dans " La Volonté" (al-’Azima, 1939). Salim, de retour de son séjour en France, est passé de scénariste à assistant-réalisateur, puis est réalisateur en 1937 pour le film "Dans l’ombre" (Fi al-Dbill). Dans son film "La Volonté", il explore les problèmes de la société égyptienne sans chants ni danses. "Le succès fut immédiat grâce à son sujet tiré de la vie réelle de la petite et moyenne bourgeoisie urbaine, le principal public des films égyptiens (la grande bourgeoisie préférant les films étrangers)". Le film met en vedette, Fatma Rouchdi et Hussein Sedky. Salim réalisera de nombreux autres films dont une adaptation égyptienne des "Misérables" de Victor Hugo (1943). ?? sa mort, à 32 ans, il aura réalisé 11 longs-métrages ; "La Volonté" sera le seul profondément réaliste.
En 1945, Kamal Al-Telmessani (1915-1972) écrit et réalise "Le marché noir" (al suq al-sawda) qui explore le thème des profiteurs de guerre enrichis par le trafic illégal. Le film est produit, encore une fois par le mythique Studios Misr. ??tant le film le plus fort de son temps, il est banni et est un échec commercial. En 1947, les autorité renforceront la censure et éradiqueront des écrans la pauvreté, les appels à la révolte, la remise en question des valeurs patriarcales...
Ahmad Kamal Mursi, avec Retour à la terre (1940), l ’Ouvrier (1943) puis le Procureur public (1946), se donne pour ligne de conduite ce même besoin réaliste.
Après les années 50 : un cinéma républicain
Malgré la censure politique - anglaise et gouvernementale - la révolution de 1952 a ouvert les portes d’un renouveau cinématographique, qui s’est traduit par l’apparition de sujets inspirés de l’oeuvre d’écrivains tels que Naguib Mahfouz, Yahya Hakki et Ihsan Abdel Chadouf. Des lois sont promulguées pour soutenir l’industrie du cinéma. L’abolition de la monarchie renforce la quête nouvelle de l’ ??gypte réelle, passant le relais aux réalisateurs de films patriotiques, historiques ou sociaux. Durant cette décennie, le réalisme peut se développer, entre autres, par la révolution nassérienne et l’influence italienne (par la formation de techniciens et réalisateurs à l’étranger).
Dans les années 1960, l’industrie est nationalisée. Entre 1963 et 1972, l’ ??tat égyptien créé l’Organisation générale égyptienne pour le cinéma et les firmes de production, dont les Studio Misr, sont nationalisées. la création du secteur public, qui avait pour but la production de films ambitieux, capables (le rivaliser avec le cinéma international, a permis à :
Youssef Chahine de réaliser son chef d’ ??uvre Gare Centrale ,
Gare centrale - Bande annonce par moidixmois
Salah Abou Seif de tourner La sangsue et Mort parmi les vivants ,
la réalisation du film Les révoltés par Tawfik Saleh,
Le facteur par Hossein Kamal,
- Le pêché par Henri Barakat
surtout par Chadi Abdel Salam du brillant La momie (1969)
et son remarquable court métrage, le Paysan éloquent (1970)..
153 longs-métrages seront produits, dont la plupart sont des films d’auteur produits à perte et à peine diffusés. La conscience politique était très faible et limitée à une critique sociale inoffensive. Il n ???y avait pas de conviction socialiste ou politique très claire. Le nassérisme était parfois glorifié. Le réalisme évite de faire des énoncés trop évidents. Les protagonistes sont rarement à un stade où ils peuvent changer consciemment leur sort (fatalisme). De nombreuses comédies musicales sont tournées, assurant le succès des films à travers le monde ; on voit également apparaître une génération d’acteurs charismatiques comme Souad Hosni, Omar Sharif ou Ismail Yasin.
La disparition du secteur public initiée par Sadate dans les années 70, donne un coup d’arrêt à cet élan. Une nouvelle classe sociale, riche et dépourvue de sensibilité artistique et culturelle, fait baisser le niveau et précipite le cinéma égyptien vers le fond, malgré la résistance d’un certain Tahseen Kamal ou encore de Mohamed Abdel Aziz ou Ali Abdel Khalek.
Il a fallu attendre la nouvelle vague, initiée par Mohamed Khan,
avec son esthétique de l’espace, Atef AI-Tayeb et son profond regard social et Kheiri Bechara, avec sa petite folie et son imagination, pour que les choses changent. Et même si cette période n’a pas duré longtemps, elle a permis d’ouvrir la voie aux jeunes réalisateurs d’aujourd’hui tels que Yousri Nasrallah, Asma El Bakri, mais aussi Daoud Abdel Sayed, qui ont osé réaliser des oeuvres originales et personnelles..
Le cinéma égyptien sous Moubarak
Le cinéma égyptien, financé de plus en plus mal par le gouvernement mais soutenu par le monde arabe, garde une production élevée. De nouveaux noms sont apparus, comme Yousri Nasrallah, dont le film Vols d’été (1990) a reçu une bonne critique internationale, et Asma al-Bakri, dont la mise en scène du roman d’Albert Cossery, Mendiants et orgueilleux (1992), s’est vue maintes fois récompensée.
Malgré la concurrence télévisuelle, le cinéma garde le cap, consistant, dans tout le monde arabe, en un important vecteur de l’influence culturelle et linguistique de l’ ??gypte. Grâce à lui et à la chanson, le dialecte du Caire est devenu pour l’ensemble arabophone une langue comprise de tous (permettant une communication orale imprévue). De la sorte, il contribue à la définition d’une identité culturelle arabe contemporaine.Le cinéma était aussi vu, par le pouvoir, comme un outil servant à calmer les pulsions populaires, lui faire oublier la dictature.
Aujourd’hui
Lorsqu’on lui parle de relève, Youssef Chahine, aujourd’hui âgé de 75 ans, a l’habitude de répondre par une boutade : "Mais elle existe la relève ! Regardez Yousri Nasrallah, c’est le plus brillant. Il a bientôt 50 ans et a réalisé trois longs métrages !". Au même âge, le réalisateur alexandrin en affichait déjà vingt-trois au compteur.
Le cinéma égyptien n’est plus ce qu’il était : d’une centaine, le nombre de ses productions annuelles est tombé à une vingtaine. Il n’existe plus aujourd’hui de studio capable d’engager par contrat un réalisateur pour plusieurs films. Aujourd’hui, le montage du budget d’un seul long métrage prend plusieurs années et le réalisateur arrive au premier jour de tournage exténué par un parcours d’obstacles décourageants. Difficile dans ces conditions de se forger un style et d’acquérir l’expérience nécessaire.
Autre difficulté lorsqu’on évoque la question du "Nouveau Cinéma égyptien : est-il possible de dégager un courant cohérent, à l’instar de la "Nouvelle Vague" en France ou même du groupe du Nouveau Cinéma lancé dans les années 1970 par Mohamed Khan, Khaïry Bichara, Atef al Tayeb et Raafat Al-Mihi ? Non, il est clair que l’on a affaire à une somme d’individualités plus proches par l’acuité sociale ou la modernité de leur vision que par une quelconque unité stylistique. S’il faut absolument nommer un chef de file aux jeunes cinéastes d’Egypte, c’est assurément Yousri Nasrallah, 48 ans. le plus doué et le plus inventif de sa génération. Critique de cinéma à Beyrouth de 1978 à 1982, Nasrallah est passé par "l’école Chahine", dont il a été l’assistant de La Mémoire (1982). Dès 1988, il a réalisé son premier film, Vols d’été où il s’illustrait par un style déjà très affirmé et personnel. Son deuxième opus, Mercedes , ne sort qu’en 1993, preuve s’il en est de la difficulté de produire une oeuvre ambitieuse. Car Mercedes est le film le plus original et abouti des années 1990.
Désireux de retourner rapidement et de s’essayer à un format plus léger, Yousri Nasrallah accepte en 1995 une "commande" d’Arte , A propos des garçons , des filles et du voile, un documentaire très mis en scène sur la sexualité et les frustrations de la jeunesse des bords du Nil. Nasrallah a terminé l’année dernière son troisième long métrage, La Ville , primé a Locarno en août 1999, tourné entièrement en vidéo numérique.
Radwan El-Kashef a le même âge que Yousri Nasrallah et a fait lui aussi ses classes comme assistant avant de réaliser Les violettes sont bleues (1993), d’une facture encore conventionnelle malgré son intérêt pour l’univers des marginaux. Ce n’est qu’en 1999 que son second film est sorti : La sueur des palmiers, primé en 1998 à Carthage, et qui a reçu un accueil aussi élogieux pour la critique que décevant du côté du public. Au bout de quatre jours, le film a été retiré de l’affiche. Dommage pour une oeuvre passionnante sur le plan
Oussama Fawzy est aujourd’hui l’espoir le plus prometteur comme l’a montré son premier film Les démons de l’asphalte (1996), qui s’est illustré par sa fraîcheur et sa grande liberté de ton. Des qualités aussi présentes dans son second film Fallen Angels Paradise, achevé en 1999, et déjà primé à Damas. Il ne faut bien sûr pas oublier Daoud Abdel Sayed dont l’oeuvre la plus marquante reste à ce jour Kit Kal (1991). Ou Asma El-Bakri, 53 ans, auteur du Concert clams la nielle du bonheur en 1998. Tout comme Mohamed al-Qaliouby - ( Trois sur la route en 1993, Pourquoi la mer ritelle ? en 1999 ».
L’objet n’est pas ici de tous les citer. Une autre génération pointe déjà le bout de son nez :Atef Hetata avec son premier film Les portes fermées ,
Les Portes fermees - Bande annonce Vost FR par _Caprice_
Zaki Fatin Abdel Wahab dont l’inachevé Romantica laissait entrevoir de belles possibilités. Sans compter le succès d’un certain nouveau cinéma commercial pour jeunes qui a véritablement débuté en 1997 avec Ismaïlia aller-retour de Karim Diaa Eddine avec en vedette la nouvelle star comique du cinéma égyptien, Mohamed Heneidi.
Après les interruptions de tournages durant la révolution égyptienne de 2011, de nombreuses productions sont paralysées, devant les incertitudes économiques et sur les changements de goûts du public. De nombreux projets de films sur la révolution se montent très rapidement.
L ???épuration agite aussi le milieu du cinéma. Les membres du syndicats sont bannis, et des listes noires circulent, pour exclure les artistes auxquels sont reprochés leur opposition à la révolution du 25 janvier, leurs insultes aux jeunes révolutionnaires (shebabs), ou tout simplement leur proximité avec le pouvoir. Parmi eux, Adel Imam, Elham Chahine, Talaat Zakariya, qui traitent les manifestants de la place Tahrir de « drogués et d ???homosexuels »Amr Mostafa (qui les traite eux de « chiens traîtres »), Samah Anouar, qui justifie les tirs sur les manifestants et appelle à les brûler, l’actrice Ghada Abd al Razzaq, exclue symboliquement du peuple égyptien après avoir annoncé son soutien à Moubarak ou Ilham Shaheen.
Au contraire, quelques acteurs se sont montrés proches de la révolution, comme Khaled Al-Nabawi ou Amr Waked, qui manifesta sur la place Tahrir ou le réalisateur Yousry Nasrallah.
Alors que le cinéma égyptien est invité au festival de Cannes 2011, notamment pour la projection du film 18 jours qui relate les 18 jours de manifestation qui ont conduit au départ d ???Hosni Moubarak, une pétition circule à l ???encontre de deux des réalisateurs choisis, Sherif Arafa et Marwan Hamed, qui ont réalisé gratuitement des clips pour la campagne présidentielle de Moubarak en 20052.
Référence :
wikipédia
http://www.dilap.com/cinema-arabe/cinema-arabe-egyptien/histoire-cinema-egyptien.htm