HOMMAGE AU REALISATEUR JAPONAIS KOJI WAKAMATSU
Le réalisateur japonais Koji Wakamatsu est mort mercredi 17 octobre, à l’âge de 76 ans, à Tokyo, après avoir été renversé par un taxi quelques jours auparavant.
A la ville, il est posé, prévenant. Et pourtant... Donnez-lui une caméra, et Koji Wakamatsu devient enragé. A 74 ans, la figure tutélaire du cinéma alternatif japonais avait sorti son centième film - environ, il n’est pas sûr du total. Le Soldat dieu est un nouveau brûlot qui, à travers l’histoire d’un officier réduit à l’état d’homme-tronc pendant la Seconde Guerre mondiale, attaque au lance-flammes la propagande, le militarisme et le machisme de la société nippone.
Le Soldat dieu - Bande annonce Vost FR par _Caprice_
Ce rejet de l’autorité sous toutes ses formes vient de l’adolescence. Fils de paysan, Wakamatsu est renvoyé du lycée agricole au bout de un an. Pour mauvaise conduite. Emigré à Tokyo, il devient apprenti pâtissier. Un jour, un artisan meurt après une chute dans une cuve d’huile bouillante. La direction de l’atelier nie toute responsabilité. Wakamatsu, indigné, démissionne. « J’avais à peine de quoi me payer à manger, raconte-t-il. Alors je suis devenu yakuza. Mais au bas de l’échelle : un petit gangster, de ceux qui règlent la circulation dans les quartiers contrôlés par le crime organisé. » Une plainte pour racket l’expédie cinq mois derrière les barreaux. Il en ressort avec une haine farouche des forces de l’ordre et une vocation soudaine pour le cinéma : « Pour révéler comment le pouvoir peut être brutal. Mais aussi parce que c’est un métier qui permet de tuer sans aller en prison. »
Après des petits boulots d’assistant à la télévision, un agent d’acteurs lui propose de réaliser un film. Peu importe le sujet, pourvu qu’il y ait des femmes nues. Doux Piège sort en 1963. C’est le premier jalon d’un cinéma érotique japonais, le pinku eiga, dont Wakamatsu sera le représentant le plus inventif ??? il multiplie les audaces formelles, à la manière du Godard des années 1960 ??? et le plus subversif.
Chez lui, la chair est souvent triste. Mais toujours politique : dans L’Extase des anges (1972), les couples font l’amour en psalmodiant des slogans révolutionnaires. Derrière les perversions sadomasochistes, ses scénarios ne parlent que de « contestation du pouvoir en place ». Internationaliste dans l’âme, le réalisateur part à Beyrouth pour servir la cause des Palestiniens. Il vit plusieurs mois avec les commandos du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Deux jours après les avoir quittés, il découvre dans un journal une photo de ses compagnons fedayins. Pendus... De cette aventure au Proche-Orient, Wakamatsu revient avec un film-témoignage, Armée rouge/FPLP : déclaration de guerre mondiale (1971). Après l’avoir vu, des Japonais ont rejoint les maquis palestiniens : « Le pouvoir m’a alors considéré comme un manipulateur, et ne cesse depuis de me harceler. J’ai subi une quinzaine de perquisitions. »
Quarante ans après, il lutte contre la répression avec la même énergie. Dans United Red Army (2008), il raconte comment un groupuscule marxiste-léniniste japonais a exécuté quatorze de ses militants, en février 1972. « Réaliser ce film était une obligation morale, avoue le cinéaste. Je voulais rendre hommage à ces jeunes qui sont morts alors qu’ils voulaient changer le monde. » Avant de « [s]’en aller, bientôt », Wakamatsu aimerait consacrer ses ultimes films aux années 1960 et 1970. Pour « rétablir la vérité historique », témoigner pour les jeunes générations actuelles et futures. Et leur faire comprendre qu’« il est important de se révolter »
A lire : Koji Wakamatsu, cinéaste de la révolte, ouvrage collectif, éd. IMHO, 192 p. + 1 DVD, 29 ???.
A voir : Le Soldat dieu , de Koji Wakamatsu.
Rétrospective, jusqu’au 9 janvier, à la Cinémathèque française, Paris 12e. Tél. : 01-71-19-33-33. www.cinematheque.fr - Trois coffrets de 4 DVD édités chez Blaq out, 45 ??? chacun