LE CINEMA SUEDOIS
Caractérisé par des paysages froids et singuliers, le cinéma de Suède s’est construit comme l’un des plus importants parmi les pays scandinaves. Tout commença lorsque, moins d’une décennie après l’invention des frères Lumière, les productions suédoises se hissèrent parmi les plus importantes d’Europe.
LES DEBUTS
C’est en 1897, lors de la Grande Exposition sur les Arts et les Industries à Stockholm, que le cinéma fit son apparition. Les précurseurs et grands maîtres de l’école suédoise à l’époque du muet furent Viktor Sjöström (1879-1960) qui réalisa des films comme "Proscrits" ou "le vent" et Mauritz Stiller (1883-1928) mit en scène des grands classiques comme "Le trésor d’Arne" , "A travers les rapides" , "Le vieux manoir"
"la légende de Gösta Berling" .
La légende de Gösta Berling par caro_76
L’AGE D’OR DU CINEMA SUEDOIS (1917- 1924)
Durant l’entre-deux-guerres, Alf Sjöberg (1903-) tourna des films cultes comme "Mademoiselle Julie" ou "Le temps de la floraison" . Il reprend souvent les thèmes du conflit entre l’innocence et le pêché ou le surnaturel.
Ce qu’on a appelé « l’âge d’or du cinéma suédois » couvre la période de 1917 à 1924. Trois films des deux grands réalisateurs suédois d’alors, Victor Sjöström et Mauritz Stiller, en symbolisent le début (Terje Vigen, de Victor Sjöström, 1917), le point culminant ( La Charrette fantôme ) et la fin ( La Légende de Gösta Berling , de Mauritz Stiller, 1924).
Tout différents qu’ils soient, ces deux cinéastes présentent bien des points communs : ils travaillent pour la même société de production, Svenska Bio (qui signifie cinéma suédois) et ont, l’un comme l’autre, après s’être fait un nom dans leur pays, tenté leur chance à Hollywood. Cet « âge d’or », qui fut une période à la fois prolifique et très riche sur le plan artistique, englobe environ 115 films, qui présentent tous un style national bien particulier, le « style suédois ».
Le style suédois au cinéma
A la différence des films tournés aux Etats-Unis à la même époque, qui, vus d’aujourd’hui, paraissent sans doute plus modernes, le cinéma suédois se caractérise par une esthétique très picturale. La plupart du temps, la caméra filme une grande pièce. Sur un même plan, l’action se déroule sur différents niveaux et dans plusieurs espaces. Les mouvements de caméra sont rares. La continuité du récit obéit à une conception assez éloignée de celle d’aujourd’hui. Les coupes, logiques pour l’époque, seraient aujourd’hui jugées abruptes et maladroites.
La dynamique produite par la composition de l’image
Pourtant, loin de ce que pourrait laisser supposer cette description, la dynamique des images est très présente. Mais ici, elle est générée par l’occupation de l’espace et par l’action qui se déroule dans les coins, filmée sous différents angles. Zénith de l’âge d’or du cinéma suédois, La Charrette fantôme témoigne aussi de la sophistication technique des studios qui venaient d’ouvrir leurs portes au nord de Stockholm. Avec ses rares mouvements de caméra et cette dynamique résultant de l’agencement de l’espace, il est en outre une illustration archétypique du cinéma suédois. Ce muet est une parabole sur le bien et le mal inspirée d’un roman de Selma Lagerlöf fréquemment cité sur des cartons apparaissant entre les scènes.
Ce qui frappe pourtant le plus dans ce film, ce sont les surimpressions utilisées pour les fantômes, un procédé que Victor Sjöström doit à son chef opérateur Julius Jaenzon. Esprit diaphane, le défunt David Holm jaillit de son corps sans vie et conduit la charrette de la mort, elle aussi fantôme, dans les rues de la ville, vers ceux à qui il a fait le plus de tort. Outre le thème traité, le rejet de l’alcool et l’amour de la famille, le film doit son succès international (non seulement en Europe mais aussi en Amérique), à son esthétique visuelle. C’est grâce à lui que Sjöström a réussi à percer à Hollywood.
LA PERIODE HOLLYWOODIENNE
Quelques années plus tard, Greta Garbo et les deux directeurs se rendirent à Hollywood aspirant à de meilleures conditions de production et laissèrent le cinéma suédois dans une crise qui dura près de deux décennies jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale.
Les plus célèbres actrices sont Greta Garbo (1905-1990) surnommée la Divine et Ingrid Bergman (1915-1982), inoubliables respectivement dans "la reine Christine", , "Anna Karenine" et "Casablanca", , "Stromboli". Sans oublier Liv Ullman, Bibi Andersson et Max Von Sydow qui tournèrent principalement avec Ingmar Bergman.
UNE RENAISSANCE REUSSIE
Le chef d’une nouvelle génération de cinéastes, qui redonna vie à l’industrie du cinéma de son pays et le replaça parmi dans le clan des meilleurs, s’appela Ingmar Bergman. Sa carrière débuta dans les années 40, mais son succès international n’intervint que vingt ans plus tard avec Le Septième Sceau (1960), il remporta plusieurs Oscars consécutifs du meilleur film en langue étrangère avec La Source (1960) et A Travers le miroir (1961).
Le Septième sceau
Une autre figure maîtresse du cinéma suédois dans les années 1970 fut Roy Andersson, qui dirigea Lördagen den 5.10 en 1969, récompensé au Festival International de Berlin.
Au début des années soixante, un cinéaste du nom de Vilgot Sjöman (1924-), défraya la chronique avec ses films "La maîtresse" en 1962 et "491" en 1963. Il prônait la liberté sexuelle, la lutte contre les tabous. Il fut le premier cinéaste a montré des personnages nus dans ses films.
Plus tard, des réalisateurs tels que Lasse Eberg et Lasse Hallström prirent la tête d’un mouvement avant-gardiste de l’industrie cinématographique suédoise dans les années 1980. Ce dernier se trouve être à l’origine des vidéos clips du fameux groupe de pop ABBA et a également remporté deux Oscars (Meilleur réalisateur et Meilleur scénario d’adaptation) en 1987 pour Ma Vie de chien.
CINEMA SUEDOIS AUJOURD’HUI
Aujourd’hui, du long métrage au court métrage et au documentaire, une nouvelle génération de cinéastes imprime sa marque.
Tomas Alfredson a porté à l’écran La Taupe" de John le Carré (Tinker Tailor Soldier Spy, 2011). Son film de vampire Morse (Låt den rätte komma in, 2008) a remporté le prix du meilleur film narratif au festival de Tribeca, New York, en 2008.
Pernilla August était une actrice confirmée avant de se lancer dans la mise en scène avec Beyond (Svinalängorna, 2010), un drame qui retrace la vie d’une mère et de sa fille dans une banlieue défavorisée. Le film a été couronné dans plusieurs festivals internationaux.
Patrik Eklund, un des grands réalisateurs suédois de courts métrages, a choisi pour son premier long métrage une comédie, Flicker (Flimmer, 2012). Avec Seeds of the Fall (Slitage, 2009), il a remporté le prix Canal+ du meilleur court métrage à Cannes en 2009. Un autre de ses courts métrages, Instead of Abracadabra (Istället för Abrakadabra) a été sélectionné aux Oscars en 2010.
Instead of Abracadabra
Daniel Espinosa a été révélé par L’Argent facile (Snabba cash, 2010), tiré du roman noir du même nom de Jens Lapidus. Remarqué à Hollywood, Espinosa y a été engagé pour tourner un film d’action, Sécurité rapprochée (Safe house, 2012), avec Ryan Reynolds et Denzel Washington.
Le premier long métrage de Josef Fares, Yalla ! Yalla ! (2000) était une comédie de l’amour par-delà les barrières culturelles. Il a réalisé ensuite une farce policière, Cops (2003), un film semi-autobiographique Zozo (2005), un drame de la vengeance, Leo (2007) et une comédie romantique, Balls (Farsan, 2010).
Lukas Moodysson a connu son premier succès en 1998 avec Show Me Love (Fucking Emål). Depuis, il a réalisé entre autres Together (Tillsammans, 2000), portrait d’un collectif libertaire des années 1970, Lilya 4-ever (2002), histoire d’une jeune Russe livrée à la prostitution, et Mammoth (Mammut, 2009), avec Michelle Williams. Son dernier film, We’re the Best ! (Vi är bäst !) a été programmé en 2012.
Babak Najafi a été largement applaudi pour Sebbe (2010), histoire d’un adolescent solitaire, qui a obtenu le prix du meilleur premier film à la 60e Berlinale en 2010.
Le dernier film de Ruben Estlund, Play (2011) met en scène quelques jeunes Noirs qui se livrent à un racket sur des enfants blancs de familles aisées. C’est un film dérangeant qui joue sur les préjugés mutuels entre les deux groupes. Ruben Estlund est également connu pour son film Happy Sweden (De ofrivilliga, 2008), tragi-comédie sur le thème de la pression collective.
LE FINANCEMENT DU CINEMA SUEDOIS
La politique cinématographique suédoise a pour objet de soutenir la production, la promotion et la distribution de films de qualité, de préserver et valoriser le patrimoine cinématographique suédois et de veiller à ce que le cinéma suédois soit représenté dans le monde.
Elle vise en outre à promouvoir la culture cinématographique régionale et locale et à améliorer les conditions de travail des femmes cinéastes. Les financements et autres soutiens sont alloués et gérés par l’Institut du film suédois. En 2010, ces contributions atteignaient au total quelque 379 millions de SEK (environ 43 millions d’UR/56 millions d’USD).
Aux termes de la nouvelle convention entre l’Etat et la profession du 1er janvier 2013, les films suédois sont financés par le gouvernement, l’industrie cinématographique et les sociétés de télévision. La convention sera en vigueur jusqu’au 31 décembre 2015.
Des documentaristes originaux
La Suède continue de produire des courts et longs métrages documentaires souvent primés. Jens Assur a obtenu le prix du meilleur court métrage au festival du film de Tribeca, New York, et a été primé au Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand (France) en 2007 pour son drame Le dernier chien du Rwanda (Den sista hunden i Rwanda, 2005)
Fredrik Gertten a été traduit en justice par le géant américain de l’alimentation Dole pour son film Bananas !* (2009) sur le conflit entre Dole et les travailleurs de ses plantations au Nicaragua. La confrontation entre Gertten et Dole est décrite dans une séquelle du même auteur, Big Boys Gone Bananas !* (2011), qui a été projetée devant le Parlement suédois.
Marcus Lindeen a jeté un pavé dans la mare avec son documentaire Regretters (Engrarna, 2010) présentant deux transsexuels qui regrettent d’avoir changé de sexe. Il a aussi codirigé Accidentes Gloriosos (2012), qui a remporté le prix Venice Horizons.
Nahid Persson Sarvestani, dans « La Reine et moi » (Drottningen och jag, 2009) brossait le portrait de l’ex-impératrice d’Iran Farah Diba Pahlavi. Dans son nouveau film, Prisoners in Hell (2012), elle retrouve des amis iraniens contraints comme elle à fuir l’Iran pour des raisons politiques il y a plus de trente ans.
Suédois célèbres à Hollywood
Lasse Hallström a dirigé en 1993 Gilbert Grape, avec Johnny Depp et Leonardo DiCaprio, puis a réalisé des films à succès comme Amour et mensonges (1995), Le Chocolat (2000), Terre Neuve (2001), Une vie inachevée (2005), Casanova (2005), Dear John (2010) et Des Saumons dans le désert (2011). En 2011, il est rentré au pays pour tourner son premier film suédois depuis plus de vingt ans, L’Hypnotiseur (Hypnotisören, 2012).
Mikael Håfström a réalisé une série de films d’horreur et de thrillers qui ont été des succès commerciaux, entre autres Dérapage (2005), Chambre 1408 (2007) et Le Rite (Ritualen, 2011). Son prochain film, à paraître en 2013, est un film d’action à suspense, La Tombe, avec Arnold Schwarzenegger et Sylvester Stallone.
Lena Olin révélée à l’étranger par L’insoutenable Légèreté de l’être (1988), a ensuite travaillé avec des cinéastes comme Ingmar Bergman, Roman Polanski et Sydney Pollack. Elle a fait une apparition dans Le Chocolat, réalisé par son mari Lasse Hallström, et tient le premier rôle dans le dernier thriller de celui-ci, L’Hypnotiseur.
Noomi Rapace incarnait Lisbeth Salander dans la trilogie Millénium. Elle a joué par la suite dans Sherlock Holmes Jeu d’ombres (2011), Prometheus (2012) et Passion (2013).
Stellan Skarsgård a captivé un public mondial par sa prestation d’acteur dans le film de Lars von Trier Breaking the Waves (1996). Depuis, il a joué dans Will Hunting (1997), Le Roi Arthur (2004), Pirates des Caraïbes : Le Secret du coffre maudit (2006), Pirates des Caraïbes : Jusqu’au bout du monde (2007), Mamma Mia ! (2008), Thor (2011) et Millénium, les hommes qui n’aimaient pas les femmes (The Girl with the Dragon Tattoo (2011).
Alexander Skarsgård, fils de Stellan Skarsgård, a fait ses débuts d’acteur à l’âge de huit ans dans Eke and His World (Eke och hans värld, 1984). Il est largement connu pour son rôle de vampire dans True Blood (2008-). Sa filmographie comprend notamment Chiens de paille (Straw Dogs, 2011), Melancholia de Lars von Trier (2011) et Battleship (2012).
Peter Stormare a fait sa percée internationale avec un film des frères Coen, Fargo (1996). Beaucoup se souviennent de lui dans le rôle du Russe fantasque d’Armageddon (1998). Il a fait aussi une apparition dans Le Monde perdu : Jurassic Park (1997), Bad Company (2002), Minority Report (2002), Constantine (2005) et L’Imaginarium du Docteur Parnassus (2009).
Films suédois recommandés
Kidz in da Hood (Förortsungar), de Catti Edfeldt et Ylva Gustavsson, 2006
Retour en Dalécarlie (Masjävlar), de Maria Blom, 2004
Tous ensemble (Tillsammans), de Lukas Moodysson, 2000
Bel été pour Fanny (Englagård), de Colin Nutley, 1992
Ma vie de chien (Mitt liv som hund), de Lasse Hallström, 1985
Fanny et Alexandre (Fanny och Alexander), d’Ingmar Bergman, 1982
Package Tour (Sällskapsresan), de Lasse Eberg, 1980
Une histoire d’amour suédoise (En kärlekshistoria), de Roy Andersson, 1970
Elvira Madigan, de Bo Widerberg, 1967
Elle n’a dansé qu’un seul été (Hon dansade en sommar), d’Arne Mattsson, 1951
Ref : Sweden .SE
Ref : Eurochannel
REf : Arte par Berit Ganzow