CAFE CINEMA _ LE WESTERN
Le western est l’essence même des Etats-Unis d’Amérique .Les Etats-Unis sont un état jeune. Son histoire remonte à moins de 250 ans. Il a une histoire courte et comme tout état il lui faut une histoire. La notion de frontière dès les premiers émigrés du May Flower, fait partie intégrante de la mentalité américaine. Ainsi tout au long de son histoire, les Américains n’auront de cesse que de repousser ces frontières. Dans un essai publié en 1893, "L’Importance de la frontière dans l’histoire américaine", l’historien Frederick Jackson Turner soutient que l’épopée des pionniers a forgé l’identité même du peuple américain.
Le "Far West", notion américaine de "frontier", est la limite marquée par l’esprit pionnier. C’est la volonté de construire un monde nouveau avec tout cela comporte comme espérance mais aussi de violence dans la mise en place de cette nouvelle société. C’est à cette histoire que le Cinéma s’est intéressé très tôt. Le Western littéralement « film de l’ouest »,sera une des principales formes de narration de l’histoire des Etats-Unis. .
ORIGINES DU WESTERN
Avant d’être l’objet d’un genre cinématographique, le Far West fut un sujet à la mode notamment dans la littérature . Des romans comme ceux de James Fenimore Cooper (Le Dernier des Mohicans, 1836) sont apparues comme une source de divertissement pour le public de l’Est de l’Amérique. Des auteurs européens comme Karl May en Allemagne ou Gustave Aimard en France ont permis d’étendre cet attrait hors USA. ?? partir des années 1880, le Far West fut le thème de nombreux spectacles dont le célèbre Wild West Show de Buffalo Bill. En 1900,il devient donc naturellement une source d’inspiration pour les pionniers de l’industrie cinématographique
L’HISTOIRE DU WESTERN AU CINEMA
Le Western reste présent du début du cinéma jusqu’à nos jours. Actuellement une vingtaine de westerns sont produits chaque année aux Etats-Unis. Il évoluera tout au long de son histoire mais restera le plus souvent fidèle à ces archétypes. On peut distinguer plusieurs périodes d’évolution :
Le western des débuts plutôt burlesques
Le western épique
Le western spectacle
Le western de série B
Le western au cow -boy chantant
L’apogée du western
Le western moderne avec Le Surwestern, le western baroque et le western italien
Le western contemporain
I - le western classique (1903-1952)
1-1 Les origines (1903-1929)
Les origines du genre se confondent avec la naissance du cinéma. "L’attaque du grand rapide" (1903) d’Edwin S Porter est considéré comme le premier western et la première tentative américaine de montage narratif. ?? cette époque le western n’est pas un genre à proprement parler. Le terme est plutôt utilisé en tant qu’adjectif pour qualifier les comédies ou les mélodrames se déroulant dans l’Ouest, comme ceux de D. W. Griffith par exemple. On parle de « western comedies », « western romances », etc. Le terme s’impose en tant que genre à part entière seulement à partir des années 1920.
Les deux grandes vedettes du western muet dans les années 1910 sont :
William S. Hart qui né dans l’Ouest, connaissait mieux que quiconque ses valeurs. C’était un acteur de talent dont les westerns étaient empreints de sérieux et de réalisme.
Tom Mix. était un champion de rodéo. Cavalier hors pair, il jouait sur le côté spectaculaire sans s’attarder sur les sentiments.
Les deux acteurs étaient diamétralement opposés.Hart préférait porter des vêtements traditionnels, Mix arborait des costumes excentriques aux couleurs flamboyantes. Hart et Mix obtinrent tous les deux un succès immense, mais c’est le style de Mix qui trouva le plus de successeurs.
Dans les années 1920, le western développe deux facettes :
La comédie burlesque qui intègre régulièrement des rôles à caractère humoristique.
Le spectacle où sont présentées des scènes qui s’apparentaient plus à des scènes de cirque et de rodéo. Les artisans du genre étaient parfois de véritables cascadeurs comme Ken Maynard ou Yakima Canutt.
Les stars foisonnent durant cette décennie : Harry Carey, Jack Hoxie, Hoot Gibson, Buck Jones, Jack Holt, Tim McCoy, Fred Thomson, Gary Cooper, Art Acord et bien d’autres accèdent chacun leur tour à la popularité.
En 1923, le prend une dimension historique avec l’apparition des westerns épiques. Ces films se concentrent davantage sur l’histoire de l’Ouest et placent les côtés mélodramatiques et sentimentaux au second plan. Ils imposent certains codes du genre
La Caravane vers l’Ouest (The covered wagon) raconte l’histoire d’un convoi de pionniers en 1848, Le Cheval de fer (1924) de John Ford retrace la construction du premier chemin de fer transcontinental dans les années 1860 et la lutte contre les indiens qui voyaient leurs terres envahies par les pionniers du rail et les bisons disparaître pour nourrir les ouvriers. Trois Sublimes Canailles (1926) toujours de Ford, traite de la ruée vers l’or en 1876.
1-2 L’arrivée du parlant
1-2-1 Les premiers parlants
Le premier western parlant, "In Old Arizona" ,de Irving Cummins tourné dans le parc national de Zion en 1928, met en scène un bandit mexicain, Cisco Kid, qui échappe régulièrement à ses poursuivants, jusqu’au moment où il est trahi par une femme. Raoul Walsh, qui interprétait lui-même Cisco Kid, perdit l’oeil droit pendant le tournage et fut remplacé par Warner Baxter dans le rôle. Premier film tourné en extérieurs, il remporta un énorme succès.
En 1930 sort "La Piste des géants" , de Raoul Walsh. Il est présenté à l’époque comme « le film le plus important jamais produit ». Tourné au format large avec le procédé Grandeur, il devait être une révolution technologique. Mais le film s’avère être un désastre commercial car le format 70 mm utilisé nécessite de rééquiper toutes les salles de cinéma, or la conjoncture économique liée à la Grande Dépression n’y est pas favorable. Cet échec marque en quelque sorte l’extinction des grands westerns pour près d’une dizaine d’années.
1-2-2 Les Western B
En 1930, avec l’apparition du double programme, le western se tourne clairement vers le film B dont il devient le plus grand représentant. Ce western B s’inscrit droit dans la lignée des productions à bas budget. Dès 1932, la plupart des stars du western muet s’y sont reconverties avec succès : Hoot Gibson, Ken Maynard, Buck Jones, Tim McCoy ???
Le western B connait durant les années 1930 et 1940 une popularité qu’il est difficile de s’imaginer aujourd’hui, d’autant plus qu’il fut peu distribué en dehors des ??tats-Unis. Le succès du western dans la série B peut s’expliquer par ses couts extrêmement faibles : certains films sont tournés en quelques jours. Rien que sur les années 1930, environ un millier de ces productions voient le jour.
Les stars tournent typiquement les films en série pour un même producteur. C’est pourquoi les décors utilisés sont souvent identiques et les scénarios se ressemblent fort d’un film à l’autre. Les cowboys sont des héros parfaits dotés d’une morale inébranlable. Les méchants sont facilement identifiables à l’aide de signes distinctifs comme la moustache et le chapeau noir. La limite entre les deux camps est donc clairement tracée et souvent infranchissable. Cette formule est majoritairement destinée à un public fidèle dont les enfants font notamment partie.
1-2-3 Le cowboy chantant
En 1935, la mode du cowboy chantant est lancée par Gene Autry, qui passe de la radio au grand écran. Il est suivi par Tex Ritter et surtout Roy Rogers. Autry et Rogers atteignent une célébrité extraordinaire. Dans les années 1950, avec le déclin du western B, tous les deux se tourneront vers la télévision et animeront chacun leur émission.
1-3 L’apogée (1939-1952)
La Grande Dépression de 1929 a paradoxalement propulsé les grands studios dans l’âge d’or d’Hollywood. La période classique du western est souvent identifiée comme s’étalant des années 1930 aux années 1950.
En 1939, "La Chevauchée fantastique" de John Ford fera définitivement sortir le genre de la série B. L’élément caractéristique du western classique est le manichéisme exacerbé avec lequel est dépeint l’Ouest, et par là le schéma plus général « des bons et des méchants » qu’il véhicule. Les personnages sont stéréotypés, du héros sans travers au bandit sans foi ni loi. Dégingandé, sobre et charismatique, John Wayne interprète pour la première fois le héros fordien marginal, solitaire et intègre, timide et courtois avec les femmes, même prostituées.
Durant ces années, le western est un genre dominant du cinéma américain. Plusieurs acteurs ont connu la gloire ou tout simplement lancé leur carrière grâce à lui : Gary Cooper, John Wayne. Certains, comme Karl Malden ou Lee Marvin y incarnèrent avec succès de sordides crapules. Pour les grands acteurs comme pour les réalisateurs, le western constituait alors un passage obligé.
On y retrouve tous les archétypes du western tels que les définit André Bazin :
L’action se passe souvent dans un paysage splendide (Monument Valley) propice aux grandes chevauchées. Mais aussi austère (désert - rochers) et devant se mériter. L’infertilité des terres est l’un des éléments fondateurs du mythe : la difficile osmose entre l’homme et la nature.Il faut se battre contre elle, la dominer , la domestiquer
Le Saloon est le lieu incontournable où des bagarres opposent des hommes forts et courageux, où le jeu se développe au son du pianiste qui a parfois du mal à jouer lorsque les révolvers parlent.
La sinistre canaille, les voleurs de bétail, l’étranger constituant une menace engendrant des luttes dans lesquelles le bon shérif s’imposent aux bandits ( "Règlements de comptes à OK Corral", "Rio Bravo"," Le Train sifflera trois fois") , Il met en scène des types d’histoires et de valeurs universelles, ce qui a contribué à populariser le genre dans le monde entier.
L’incontournable médecin qui le plus souvent est alcoolique
Les éleveurs et les cultivateurs souvent opposés comme dans "l’’Homme des vallées perdues" , en 1953.
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L’Indien est vu comme incapable d’imposer l’ordre de l’homme. Il est considéré comme un ennemi de la civilisation (voir déjà dans la Caravane de l’Ouest) et fait pendant longtemps partie du camp des mauvais. L’homme blanc est le conquérant créateur d’un nouveau monde et l’Indien l’entrave dans sa démarche mais l’Armée américaine valeureuse et bienfaisante est là pour l’aider dans sa tâche civilisatrice La Charge héroïque, 1949 et "Rio Grande" , 1950)] en sont les facteurs d’expansion.
Les femmes sont toujours des êtres distingués et protégés et presque toujours elles font le café ( "La Poursuite infernale, ( My darling clémentime) 1946" ). Souvent pure jeune fille, vierge, sage et forte qui finit par épouser le héros. Parfois, entraîneuse du saloon au grand c ??ur qui se sacrifie sa vie et un amour sans issue au bonheur du héros et qui se rachète définitivement dans le c ??ur du spectateur (La Rivière sans retour) . Toutes les femmes sont ainsi dignes d’amour. Seuls les hommes peuvent être mauvais.
Le héros mythique s’impose aux spectateurs. Les grandes figures de l’Ouest : Buffallo Bill, Jesse James, Billy the Kid et surtout Wyatt Earp aux côtés de l’inséparable Doc Holliday dans "Réglement de compte à OK Corral"
Mais ces vues typées , vont être revues avec notamment la remise en cause de perception manichéenne des indiens, du progrès, du héros pur. Dès "Le massacre de fort Apache" , Cochise et ses guerriers sont montrés comme des hommes dignes et valeureux, susceptibles de négocier la paix mais régulièrement trahis par les agents indiens (Silas Meacham) ou par des officiers arrogants et racistes (le colonel Thursday). Cette critique novatrice sera encore plus marquée dans "La flèche brisée" de Delmer Daves
II - Le western moderne (1953-1964)
2-1 Le surwestern
Dans les années 50 apparaît ce que Bazin dénomme le surwestern : "un western qui aurait honte de n’être que lui-même et chercherait à justifier son existence par un intérêt supplémentaire d’ordre esthétique, sociologique, moral, psychologique, érotique".
"Le train sifflera trois fois" (1953) de Fred Zinnemann , est, selon André Bazin la modèle achevé de ce surwestern. Le mythe américain par excellence du droit à la liberté est systématiquement compromis par la cupidité, la vengeance ou la mégalomanie des hommes.
Avec "Le gaucher" (1958) d’Arthur Penn apparaît un anti-héros, suicidaire en manque de père, incarnant le mal des adolescents.
2-2 le western baroque
Le western baroque s’intéresse à la face sombre de la transposition des valeurs américaines au cinéma. Le héros vit comme une perte ou un déclassement l’entrée dans un monde moderne dont il se sent exclu. Avec Les deux cavaliers (1961) et "L’homme qui tua Liberty Valance" (1962) de John Ford, la légende de l’Ouest est définitivement considérée comme un mythe caduc.
L’homme qui tua Liberty Valance est aussi une vision désenchantée et crépusculaire de l’Ouest américain dans lequel Ramson (James Steward) petit avocat de province , anti-héros au sens westerrnien du terme devient un héros responsable de la mort de l’affreux Liberty Valance. Alors que Tom (John Wayne) un héros fordien est un anti-héros venu trop tard au secours de Ramson (et pourtant....)
Dans la continuité de "Massacre à Fot Apache", "Les cheyennes" (1964) de Ford ouvre la voie de la dénonciation historique du génocide indien. "El perdido" est un testament du western classique. Il est considérer comme un des premiers westerns à prendre en compte un problème psychologique.
Le western baroque a contribué à effacer les clichés traditionnels du western pour ouvrir la voie du western moderne dont vont s’emparer Sergio Leone et Arthur Penn.
III - Le western italien (1964-1971)
Dans les années 1960, le western perd de la vitesse aux ??tats-Unis. Le renouveau vient alors paradoxalement d’Europe, et en particulier des réalisateurs italiens qui lui insufflent une seconde jeunesse, avec ce qui sera nommé le western spaghetti. Le western spaghetti a permis au genre de survivre entre les anciens (de John Ford à Robert Aldrich) et les modernes (de Peckinpah à Eastwood) en se faisant l’expression d’une lucidité politique et sociale proche de celle de la comédie italienne, genre qui lui préexiste et qui mourra tout juste un peu après lui..
3-1 Le western spaghetti
La remise en cause du mythe et du genre institué par les Américains est l’occasion pour Sergio Leone de réaliser quatre westerns successifs : Pour une poignée de dollars (1964), Et pour quelques dollars de plus (1965), le Bon la brute et le truand (1966), Il était une fois dans l’Ouest (1968) .
Les protagonistes préfèrent tirer avant de parler ; ils sont sales, mal rasés, cyniques voir sadiques et seuls le pouvoir et l’argent semblent les motiver. Les gros plans et la musique en sont les caractéristiques majeures. Les héros deviennent des chasseurs de primes sans éthique et n’hésitent pas à enfreindre la loi. La violence se fait plus explicite et graphique via des scènes récurrentes de torture ( "Django" , 1966, "Le Bon, la Brute et le Truand" , 1966), de viol ("La mort était au rendez-vous", 1967) ou de massacre ( "Le Grand Silence" , 1968) .
3-2 Le western zapata
"El Chuncho" de Damiano Damiani en 1966 lance le western zapata, le western politique italien. Il exploite le thème de la révolution mexicaine, celui l’exploitation des péons par les grands propriétaires. C’est une réflexion sur la manipulation des masses et leur utilisation pour la violence. L’intrigue du western zapata est assez souvent la même : un trésor, stock d’armes ou lingots d’or, à l’origine prévu pour financer la révolution mexicaine est perdu et des personnages aux motivations différentes vont essayer de le retrouver moyennant alliances et contre-alliances motivées par l’appât du gain. Chaque personnage incarne une position politique. La présence de l’étranger est récurrente : un suédois dans "Campaneros" , un américain dans El Chuncho , un polonais dans " El mercenario" , un blond hollandais dans "O Cangaçeiro" . Il vient d’un monde riche et s’immisce dans la révolution. Il a pour alter ego un primitif, sauvage, inculte et pauvre : le péon
Dès 1968, le cinéma plus directement politique occupe le devant de la scène. L’idéologie règne en maître et le film politique dit clairement "voilà ce qu’il faut penser camarade". Dans "Il était une fois la révolution" (1971), Leone laisse percer son amertume et sa déception au sujet de la révolution.
3-4 . Le western fayot
Très vite cependant les illusions tombent et le film politique comme le western zapata déclinent. L’immense et inattendu succès de "On l’appelle Trinita" de Enzo Barboni en 1970 génère la vague du "western fayot", western italien qui déraille vers la farce. A la période sérieuse, aux héros sombres et cyniques, va succéder une série de films parodiques et même autoparodiques. La violence est remplacée par des distributions de baffes. L’humour ne fonctionne plus sur l’ironie, la dérision des valeurs politiques, mais sur le burlesque.
IV - Le western contemporain (1971-2011)
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C’est le western politique italien qui assure le passage de témoins vers "La horde sauvage" (1969), "John Mac Cabe" de Altman, (1971) et "Little Big man" de Arthur Penn, (1970), "Pat Garrett et Billy the Kid de Sam Peckinpah,(1973).
Pourtant la route est semé d’embûche. Ainsi l’échec public en 1980 des "Portes du paradis" de Michael Cimino fait reculer un peu plus l’intérêt pour le western. Il faudra beaucoup d’acharnement pour trouver les financements pour "Danse avec les loups" .(1990) de Costner qui réintroduit les préoccupations écologiques. En 1992 avec "Impitoyable" , Eastwood démontre que la violence malmène l’âme de tout être qui y est confronté.
Dans les années 2000 l’arrivée des images de synthèse, des effets spéciaux, a fait évolué le western Il devient ésotérique avec "Blueberry" , fantomatique, hyper cultivé et référencé avec "Dead man" de Jim Jarmusch", (1995). Le dernier Tarantino, "Django Unchained" est un hommage à tous les westerns. Récemment avec "The lone ranger" les studios dysney ont voulu avec un succès mitigé relancer une forme de Western loufoque style " Pirate des caraïbes".