Le cinéma du Laos

  • Mis à jour : 8 février 2015

CINEMA LAOTIEN

Le cinéma jusqu’à la naissance de la République Démocratique

Plusieurs documentaires ont été réalisés pendant la période coloniale française mais ce matériel a quitté le pays, probablement conservé dans nos archives cinématographiques nationales. Après l’indépendance de 1953, le gouvernement royal laotien et le Front Patriotique Lao luttent aussi sur le terrain de la propagande. Au Nord, le plus ancien film connu est un documentaire réalisé en 1956 avec l’aide de cinéastes vietnamiens, « Rassemblement dans la zone de deux provinces » (Khuan khet Taohom Song Khoueng) . D’autres productions révolutionnaires émanent de cette zone comme « 20 ans de la Révolution » (Sao Bi Haeng Karnpatiwath, 1965), « L’été la victoire » (Sayxana Laduleng, 1970), « La terre de liberté » (Dae Haeng Issara, 1970) et même une fiction dès 1960 : « Fate of the girl ».

De son côté, le gouvernement officiel finançait de nombreux films de propagande et des documentaires sur la famille royale. Les premiers longs métrages, « Le Vrai et faux ami » (Khukhak Pheunkhaen) et « Notre terre » (Phaen din Khong Hao) ont été produits au début des années 1960 pour promouvoir la santé dans les campagnes ; les films y étaient projetés par des équipes techniques mobiles. Par la suite, un cinéma commercial embryonnaire voit le jour à Vientiane ; sans studios, les cinéastes locaux sont obligés de louer tout leur matériel à chaque nouveau film et la post-production est entièrement assurée en Thaïlande. A cette époque, la région de Vientiane comporte seize cinémas, la plupart privés, et les plus grandes villes provinciales possèdent une salle de projection.

Avec son film « Trois roues » (Samkhing) , le cinéaste lao le plus connu se nomme Khamking Bandasak. Neuf autres longs métrages locaux auraient été réalisés pendant la période 1960-1975 mais peu d’informations subsistent autour de «  Le destin de la jeune fille » (Sata Nang), « Lorsque le brouillard disparaît » (Muaxin Khuanmok), « The Black Tai of Lamphanh » (Taidam Lamphanh, 1966), « Heart of the Saravane Girl » (Sao Namchay Saravane), « Tiger of the Mountain Top » (Sua Chomdoi), « Tears of the Refugee Girl » (Namta Sao Ophayob, 1973), « Deux rives du Mékong » (Song Fangkhong) et des deux drames « Kalaket » et « Khunlu Nang Ua ».

Le cinéma laotien depuis 1975

Le Pathet Lao conquiert le pouvoir et créé en 1976 un Département du Cinéma qui le subordonne à une idéologie le limitant à exalter le peuple, la révolution et le progrès socialiste. En plus de nombreux documentaires "éducatifs", une douzaine de fictions auraient été produites au milieu des films importés, essentiellement soviétiques et vietnamiens. Premier film réalisé après 1975, « Le Printemps » (1977) est une oeuvre de propagande entièrement réalisée à Pékin par une équipe technique chinoise ; des interprètes laotiens célèbrent en chantant et dansant la libération nationale.

La censure se relâche un peu dans les années 80. Environ 70 films étrangers sont importés chaque année, venant de Thaïlande, Inde, Hong-Kong, France, Italie... et même des Etats-Unis. Mais l’essor de la télévision puis de la vidéo fait péricliter le cinéma et son réseau de salles. A Luang Prabang, dans le Nord, seul le théâtre Siengsavan montre encore quelques films au début des années 90 avant que ses projecteurs tombent en panne.

Hormis les documentaires de propagande, seules de rares fictions sont produites sur place. « Docudrama » co-réalisé par Somchit Phonsena et le vietnamien Ph ?m Ky Nam, « The Sound of Gunfire from the Plain of Jars » (Siengpeun Chak Thonghai) sort en 1983. « Lotus rouge » (Boa Deng) du réalisateur indépendant Som Ock Southiponh (1988) raconte la vie d’une famille déchirée par la guerre civile.

Le Département du Cinéma est remplacé par la Société Cinématographique Publique qui centralise la distribution des films étrangers et la direction du cinéma national puis on créé un Centre National du film d’archive et de la vidéo (1991).

Une nouvelle ère s’ouvre en 2003 avec l’inauguration du Centre International de Commerce et d’Exposition de Vientiane (Lao-ITECC) avec ses deux salles entièrement dédiées au cinéma. Financé par le Vietnam, le Centre National du film dispose d’une salle de 120 places avec un équipement technique offert par le Japon. Les productions locales peuvent y être sous-titrées avant leur présentation à l’étranger. Par ailleurs, une équipe mobile dotée de matériel portable 16mm, 35mm et vidéo parcourt le pays pour y organiser des projections.

La fiction connaît depuis lors un certain essor. Quelques comédies sentimentales ont été récemment produites sur fonds privés mais avec le soutien gouvernemental. « Good morning Luang Prabang » (Sabaidee Luang Prabang) de Anousone Sirisackda et du thaï Sakchai Deenan (2008) propose une visite du pays à travers la romance entre Sorn, un photographe thaïlandais (joué par l’acteur australo-laotien Ananda Everingham) et Noï, sa jolie accompagnatrice locale (incarnée par Khamlek Pallawong).

Son film suivant, « Only Love » (2010) parle d’irrigation dans un village et d’amour contrarié.

« Lost in the city » (Bounthanh), sorti en décembre 2011, montre un jeune campagnard venu suivre ses études à l’Université qui découvre Vientiane.

A noter aussi le lao-américain Thavisouk Phrasavath, codirecteur avec Ellen Kuras du documentaire « The Betrayal à Nerakhoon » , nominé en 2008 aux Independent Spirit Awards du meilleur documentaire, en 2009 pour l’Oscar du meilleur film documentaire, et primé en 2010 aux Primetime Emmy Awards dans la catégorie Exceptional Merit in Nonfiction Filmmaking (mérite exceptionnel pour un film documentaire).

Le cinéma dans le Laos contemporain

A l’image du pays, le cinéma laotien est démuni, tant pour la production que la distribution ; on ne trouve par exemple aucune salle permanente de cinéma en dehors de la capitale. Les spectateurs laotiens sont réduits à ne regarder que des films thaïlandais ou occidentaux, à la condition impérative d’un doublage en laotien (obligation gouvernementale). Le public potentiel se limite aux seuls habitants du pays ainsi qu’aux thaïlandais frontaliers de la région d’Isan, qui parlent également laotien. La Thaïlande continue de jouer un rôle, tant direct qu’indirect, pour épauler l’industrie cinématographique laotienne dans ses premiers pas. L’acteur australo-laotien Ananda Everingham, qui mène une carrière si brillante en Thaïlande que le public le croit à tort à moitié thaïlandais, s’investit corps et âme. Mais deux évènements récents ont montré l’impact des images : un film thaï (« Lucky Losers ») ridiculisait l’équipe de football laotienne et peu après, une comédie musicale de ce même pays voisin (« Mekong Love Song ») voyait son héros jeter de dépit une fleur de frangipanier, l’emblème national du Laos, créant à chaque fois un incident diplomatique. Les autorités ont alors décider d’affirmer un cinéma laotien.

On sent un frémissement. En général, ce n’est pas aussi vivant, aussi passionnant qu’ à Bangkok, mais espérons que nous parviendrons à mettre en mouvement quelque chose, commente Panumas Deesatha, le réalisateur de la comédie sentimentale « Huk Aum Lum » .

Panumas fait partie d’un groupe de jeunes metteurs en scène et spécialistes des médias qui ont uni leurs forces sous l’appellation Lao New Wave.

Le premier Festival de Cinéma de Vientiane, la Vientianale, s’est tenu en 2009 ; il a mis en compétition une vingtaine de courts métrages locaux et quelques productions internationales. En mai 2011, la deuxième édition présentait des courts métrages, des documentaires, des films pour enfants et des longs métrages. En plus des projections (gratuites) au Palais national de la culture, dans le centre de la capitale, cet événement intègre une fête animée par des groupes du Laos et des ateliers cinématographiques ouverts à ceux qui souhaitent développer leurs talents de réalisateur.

Pour marquer le 35e anniversaire de la République Démocratique Populaire Lao et le 15e anniversaire de l’inscription de Luang Prabang sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, les autorités ont créé un Festival du Film dans cette ville, la deuxième du pays ; le premier s’est déroulé en décembre 2010, présentant une vingtaine de films d’Asie du Sud-Est (Laos, Malaisie, Singapour, Cambodge, Philippines, Viêt-Nam et Birmanie...) ainsi que 18 courts métrages écrits, dirigés et réalisés par des jeunes cinéastes locaux comme « A Son’s Letter »  ;

des projections gratuites en plein air ont été organisées à Vientiane puis un mini-festival de quatre films a tourné dans les provinces rurales d’Oudomxai et de Xieng Khuang, habituellement dépourvues de toute salle.

La deuxième édition a permis de découvrir de nouveaux talents, en particulier Anisay Keola qui présentait deux courts métrages, « The Cage » remarquable par son esthétisme.

et « The Day that... » ainsi que « At the Horizon » , produit par Lao New Wave Cinema, premier thriller avec une dimension sociale évidente montrant des armes à feu, des scènes de violence et des femmes vêtues à l’occidentale au lieu de porter le traditionnel sinh.