Le Nanar de Décembre 2013_ SANTA CLAUS

  • Mis à jour : 30 mai 2014

SANTA CLAUS

Toujours soucieux de coller à l’actualité, Cultures et Cinémas vous propose un nanar de Noël. Le film de Noël est un genre assez risqué. Soit on réussit un classique instantané, soit on accouche d’une grosse dinde aux marrons indigeste et mal fourrée. Mais il arrive que, parmi les navets familiaux mièvres et dégoulinants de sucre, se niche une véritable friandise acidulée et explosive. C’est le cas de ce « Santa Claus » mexicain concocté par l’esprit malade de René Cardona Sr. et passé à la postérité par le fait d’un distributeur américain aussi avisé qu’insane.

Tourné en 1959, ce film, non content d’être l’une des pires oeuvres pour enfants jamais mitonnées par des grouillots de la caméra, est une aberration à tous les niveaux : il s’agit en effet d’une opération largement commerciale destinée à accompagner l’importation au Mexique du personnage du Père Noël. Le barbu en houppelande fut en effet longtemps largement inconnu du public local, dont les traditions attribuaient plutôt aux Rois Mages la tâche de distribuer les cadeaux aux enfants. Importé des Etats-Unis, le Père Noël s’imposa progressivement au Mexique, ce film surfant opportunément sur la vague. Cela ne serait encore rien si nous n’étions pas en présence d’une authentique monstruosité du cinéma, une crétinerie confite dans le jus d’idiotie et assaisonné à la débilité extra-forte. « Santa Claus », de Cardona, c’est du costaud et du brutal, du n’importe quoi à tous les étages, c’est le tabasco du nanar, bien plus intéressant que la superproduction américaine homonyme des années 1980. On ne saurait trop remercier Arte d’avoir, un jour de démence, programmé ce chef-d’oeuvre dont la copie circule depuis entre les mains de certains nanardeurs poisseux et grimaçants.


Papa Noël dispose ici de rennes mécaniques (en mousse !) qu’il remonte avec une clé à molette.

Ici, nous sommes dans le domaine du cinéma bis mexicain, un univers fait de bric et de broc, où la naïveté brute de décoffrage dispute le terrain à une roublardise éléphantesque. Le Père Noël vu par les Sud-Américains ne vit pas au Pôle Nord, mais dans un palais dans les nuages, entouré non pas d’elfes mais d’une troupe d’enfants issus de tous les pays du monde, dont on se demande d’où ils viennent, comment il les a recrutés et s’il les paie seulement.


Le Village dans les nuages.

Mais non content d’habiter dans un décor de carton-pâte, le Père Noël a un ennemi : Lucifer en personne ! Le Prince des ténèbres en a en effet plus qu’assez de voir la joie et la sérénité régner chaque année parmi les enfants du monde : un peu radin sur les moyens à mettre en oeuvre, il charge Precio, diable de seconde zone, de saboter la mission de Papa Noël en l’empêchant d’amener des cadeaux aux enfants. Cependant, muni des précieux artefacts magiques préparés par son assistant Merlin l’enchanteur, le Père Noël est parti en mission, inconscient du danger. L’infâme Precio parviendra-t-il à empêcher les enfants du monde entier de recevoir leurs cadeaux ?


Ce fumier de Precio, le diable le plus loser de l’enfer.

Non content d’ajouter des éléments bizarroïdes à la figure, alors relativement méconnue au Mexique, du Père Noël (château dans les nuages, mélange de symboliques chrétiennes et païennes, collaboration avec Merlin l’enchanteur), le film s’acharne à rendre l’imagerie des fêtes de fin d’année totalement insupportables à force d’en rajouter sur le terrain des bons sentiments de la mièvrerie dégoulinante. Au bout d’un moment, on a le sentiment de recevoir en permanence un torrent de miel et de mélasse sur le coin de la gueule. Vouloir faire un film pour enfants, c’est bien ; prendre les enfants pour de parfaits crétins, c’est mal.

L’un des personnages récurrents du film est une fillette pauvre, Lupita, qui voudrait avoir pour Noël une poupée que sa mère ne peut lui offrir. La gentille petite fille va donc être tentée par Precio, qui l’incite à voler une poupée à un marché couvert. Et c’est là que se rappelle à notre souvenir lla voix off ! « Oh, non, Lupita, ne fais pas ça ! » s’écrie un narrateur anonyme.

Hé oui, car le film entier est commenté en voix off de la manière la plus crétinisante qui soit. Peut-être pour donner un peu de rythme à l’action, le narrateur commente en effet l’action du récit de la manière la plus pléonastique qui puisse se concevoir. Par exemple, lors d’une apparition de Precio : « Aaay, ma voici lé diable ! ». Car, de surcroît, la version "française" diffusée sur Arte nous gratifie d’un commentaire en français (alors que les dialogues des comédiens sont en espagnol sous-titré) prononcé avec un accent hispanique stéréotypé particulièrement crispant et une emphase à se taper la tête contre les murs d’exaspération.

La voix off n’est cependant pas le seul facteur d’horreur et d’épouvante distillé d’un film conçu sous le signe du mauvais goût à tous les étages. Décors et accessoires hideux, avec une mention toute particulière pour le super-ordinateur grâce auquel le Père Noël peut surveiller tous les enfants du monde, dont la bouche géante et le télescope rétractile sont particulièrement obscènes ;

cabotinage frénétique des acteurs (le Père Noël, à force de surveiller les enfants à la longue vue, a parfois l’air d’un vieux voyeur aux intentions pas catholiques), niaiserie insupportable.Le traumatisme esthétique du film est si violent qu’il a sans nul doute donné naissance à une génération entière de psychopathes serial-killers. Ce n’est pas un film de Noël, c’est « Voyage au bout de l’horreur ».

Non content d’ajouter la nunucherie extravagante du propos à la laideur visuelle, le film se permet en outre des gags qui tombent à plat, comme lorsque le Père Noël s’attaque aux fesses du diable avec sa seringue à ressort. Idiot, bêtifiant, moralisateur, « Santa Claus » semble tout entier voué à entraîner le spectateur vers une cauchemardes que régression au stade anal.

En attendant, n’hésitez pas : si vous voulez pourrir un réveillon de Noël, passez une copie de « Santa Claus ». Ambiance sinistre, mines déconfites et pleurs des enfants garantis ; insatisfait ou remboursé !

Extrait de Nanarland.com

Pour ceux qui sont seuls à Noël et qui voudrait sombrer dans la sinistrose, C&C vous offre la version intégrale