Actuellement la production américaine « Godzilla » triomphe sur les écrans. Ce doit être la dixième ou vingtième version du monstre qui n’en finit pas de se réveiller au rythme des angoisses métaphysiques de l’humanité.
Cultures & Cinémas a recherché sur le site de Nanarland , un bon vieux « Godzilla » pour illustrer la rubrique « Nanar du mois ». Tant qu’à faire et pour ne pas être trop ringard nous avons choisi le film « Le fils de Godzilla » du réalisateur japonais Jun Fukuda sorti en 1967.
Bon vous êtes prêt-es à affronter le monstre ? Attention cela va être violent ! Nous devons vous mettre en garde contre la crise de rire fatale….. Accrochez vous à votre fauteuil et allons y !
Bon je sais , c’est pas très sympa de s’attaquer à des vieux films à effets spéciaux. Le cinéma d’antan n’avait pas de moyens, ces films sont pleins de charme, patati, patata… Autant d’arguments auxquels le cinéphile que je suis souscrit pleinement. Sauf que là, nous sommes en présence d’un spécimen de choix, déjà ringard à l’époque de sa sortie, et qui n’a fait depuis que gagner en nanardise, tel un vin de grand cuvée !
Le film marque le début de la décadence pour le mythe de Godzilla et les films typiquement nippons de « Kaiju Eiga » (ou « films de grands monstres ») : depuis plus de dix ans, le simili-tyrannosaure cracheur de feu hantait les écrans japonais et mondiaux, pour le plus grand bien du tiroir-caisse de sa compagnie productrice Toho. De menace pour l’humanité, le monstre était devenu son protecteur contre d’autres créatures encore plus méchantes, et d’occasionnels envahisseurs de l’espace. Tel King Kong, il avait gagné la sympathie du public, et ne pouvait par conséquent rester éternellement méchant. Or, la Toho avait fini par se rendre compte que les aventures de Godzilla étaient devenues un spectacle familial, les parents emmenant leurs enfants assister aux exploits de la grosse bêbête caoutchouteuse.
Bon, se dit le producteur en mâchouillant son gros cigare, qu’est-ce qu’on pourrait bien inventer pour que ça rapporte plus ? Godzilla a déjà détruit trois fois Tokyo, est devenu gentil, a affronté les Martiens, King Kong, tous les monstres possibles et imaginables… Heu… Ca y est, j’ai trouvé ! Puisque les gamins l’aiment bien, autant en faire un film pour enfants, et rajouter un mini-godzilla ! Ca va attendrir tout le monde !!! Le résultat, le voici :
Le fils de Godzilla - Bande annonce par moidixmois
C’est tout bonnement terrifiant. S’il n’apparaît qu’au bout d’une demi-heure, le « Fils de Godzilla » n’est que la cerise gluante d’un gâteau si dégoulinant de naïveté infantile que même le « Club Dorothée » à sa pire époque aurait hésité à en passer des extraits ! Le scénario (le mot est un peu fort, disons plutôt « l’argument ») est à peu près du niveau d’un mauvais épisode de « Mickey Parade » : une équipe scientifique est installée sur une île du Pacifique pour y conduire des expériences secrètes. Un journaliste rejoint l’île pour découvrir la raison de leur présence et finit par apprendre du Professeur Suzumi, chef de la mission, que leurs travaux ont pour but de maîtriser le climat afin de rendre toute la terre habitable et lutter ainsi contre la pollution. Cependant, le spectateur un tant soit peu mature finit rapidement par se demander si Suzumi a du wasabi dans le ciboulot : l’expédition a en effet choisi de venir travailler sur un île où rôdent… des mantes religieuses géantes (ou « gigamantes »), grosses comme des chevaux ! Pourquoi avoir choisi cet endroit, me direz-vous ? Hé l’autre, hé, y’aurait plus eu de suspense !
Ca fait peur ... hein ?
Vous aurez évidemment deviné que la première expérience va connaître un dysfonctionnement qui, perturbant dramatiquement la température de l’île en faisant monter la température à 70°C, va faire grandir les gigamantes, qui, chaleur et radiations aidant, passeront en vingt-quatre heures de la taille de chevaux à celle d’éléphants ! Passons sur la scientificité de la chose (on n’en est pas à ça près dans un film de Kaiju Eiga) et relevons quelques détails de l’intrigue : l’île est habitée, outre les scientifiques, par une sorte de sauvageonne japonaise, impeccablement coiffée et maquillée, fille d’un savant ayant péri sur place des années plus tôt.
C’est où l’’île en question ?
Le Professeur Suzumi et ses hommes, guère observateurs pour des savants, n’avaient pas remarqué sa présence, mais le journaliste va évidemment la découvrir et entamer une idylle avec elle, sans que cela fasse grand-chose pour faire avancer le récit.
Ca c’est le journaliste ... futé, non ?
Car l’histoire va vraiment s’emballer avec la découverte, par les gigamantes, d’un œuf géant, qu’elles brisent aussitôt, et dont jaillit un hideux petit boudin grisâtre et geignard, gracieux comme un bonhomme de neige fait avec des crottes de nez : LE FILS DE GODZILLA !!! Je vous remets une vidéo, pour que vous puissiez apprécier la chose :
Evidemment, Godzilla, que l’on n’attendait plus, va arriver aussitôt sur l’île pour empêcher les gigamantes de dévorer le petit (qui est apparemment davantage son fils adoptif que son fils biologique… ou alors, on ne nous précise pas qui est sa maman). Avec l’apparition de Godzilla, l’épouvante franchit un degré supplémentaire :
Son of Godzilla (1967) par Supramangas100
C’est absolument EFFROYABLE ! Jamais monstre en caoutchouc n’aura autant ressemblé à du caoutchouc ! Soucieux de rendre Godzilla plus « gentil », plus « familial », les margoulins de la Toho ont modifié son look jusqu’à le faire ressembler à un gros chien-chien, aussi inoffensif qu’un briard. C’est bien simple, on dirait Casimir après une maladie de peau !
Evidemment, Godzilla va aussitôt, sous l’œil ravi des scientifiques, du journaliste, et de la tarzanne, prendre en main l’éducation du chiard reptilien, en lui apprenant notamment à cracher du feu (il n’arrive tout d’abord qu’à cracher des ronds de fumée).
C’est là que le film quitte le domaine de la S-F ringarde pour prendre une autre dimension, totalement surréaliste : nous n’avons plus devant nous un film de Godzilla, mais une succession de saynètes digne du « Village dans les nuages » ou du « Manège enchanté ». L’auteur de ces lignes vous avouera avoir le cœur tendre, et une tendance à retomber parfois en enfance : aussi ne saurait-on vous dire ici si le mini-Godzilla, ses petits cris (« Awouh, awouh ! ») et les scènes de son apprentissage, sont horripilantes, attendrissantes, ridicules, charmantes, ou tout ça à la fois ! « Le Fils de Godzilla » défie les catégories, et se situe parfois au-delà des mots, tant il transcende toute notion de crédibilité et de bon goût.
Heureusement, les gigamantes se repointent régulièrement pour essayer de manger le mini-Godzilla ; papa Godzilla intervient naturellement, ce qui nous vaut des scènes délicieusement nanardes de matches de catch entre monstres caoutchouteux. Un autre adversaire va cependant surgir en la personne de l’Aragne.
Qu’est-ce que l’Aragne, se demande le Professeur Suzumi, en voyant ce nom dans le journal du père de la Tarzanne. Il faut que ce soit la sauvageonne qui vienne lui expliquer qu’il s’agit d’une araignée géante (bravo les savants, de plus en plus forts !), laquelle va bien évidemment être accidentellement réveillée par le mini-Godzilla, et donner lieu à une baston désopilante, avant un épilogue à la fois inhabituel et malgré tout disneyien en diable.
Capilotade complète du Kaiju Eiga, « Le Fils du Godzilla » n’en garde pas moins un charme sympathique qui, s’il est parfois agaçant pour les spectateurs de plus de huit ans (ou n’ayant pas gardé leur âme d’enfant), participe de sa légèreté nanarde. A la fois curiosité exotique et gentil petit nanar, ce film de Jun Fukuda (réalisateur à tout faire de la Toho), offre des moments d’une ringardise exemplaire, que ce soit dans les scènes de monstres, ou dans les scènes mettant en scène les humains : la naïveté des personnages, le surjeu des acteurs, suffisent à eux seuls à ôter toute crédibilité à un film qui, de toute manière, n’aspirait certainement pas à en avoir.