Le cinéma de la Chine

  • Mis à jour : 27 janvier 2022

LE CINEMA DE LA CHINE CONTINENTALE

L’expression « Cinéma Chinois » est de plus en plus utilisée pour évoquer trois cinématographies (Chine continentale, Hong Kong, Taïwan) certes non dénuées de liens mais ayant chacune leur histoire et leur esthétique propre. Nous nous limiterons ici à l’Histoire du Cinéma de Chine Continentale. L’article ne prétend évidemment pas à l’exhaustivité concernant la très effervescente période récente. Des auteurs ou films primés en festival ou remarqués ont été oubliés car l’objectif est plus de dégager les grandes tendances que d’essayer de coller à l’abondante actualité du cinéma continental.

LES DEBUTS DU CINEMA (1905-1930)

Le premier film projeté dans le pays l’est à Shanghai le 11 août 1896. Le grand port, ouvert à toutes les influences étrangères - élément déterminant -, n’est donc guère en retard sur Paris. La capitale de la Chine, Pékin, dut cependant attendre 1902 pour découvrir ce nouvel art. En 1904, une tentative de projection pour l’impératrice douairière Cixi dans la Cité interdite tourna au désastre.

Les commencements du cinéma ont un lien avec les commémorations en Chine. Alors que1905 marque le soixantième anniversaire du célèbre interprète de l’Opéra de Pékin, Tan Xinpei, le Directeur de la Maison de photographie Fengtai, Ren Qingtai, produit le film précurseur du cinéma chinois.

Ce commerçant des techniques dans la cour centrale de la Maison de photographie suspend aux yeux de tous un tissu blanc pour projeter le premier film chinois connu «  La montagne Dingjun  » Il est composé de trois scènes de l’Opéra de Pékin autour du chanteur Tan Xinpei.

La courte comédie « Tou Shao Ya » (« le Vol du canard rôti »), elle aussi d’après une scène d’opéra, fut filmée à Hong Kong en 1909 par le directeur de théâtre, parfois lui-même acteur, Liang Shaobo, avec l’aide financière de l’entrepreneur américain Benjamin Polaski.

Le premier film national de long métrage ne sera tourné qu’en 1913, Un couple bien assorti, grâce aux capitaux de deux Américains qui venaient de racheter la firme Asia Film Company, transférée l’année précédente de Hong Kong à Shanghai. En outre, toute la pellicule est importée. La jeune industrie cinématographique chinoise sera ainsi privée de pellicule allemande dans les deux premières années de la Première Guerre mondiale. Elle souffrira plus tard de deux autres crises d’approvisionnement en ce domaine. Le film reste essentiellement une marchandise d’importation durant une longue période en raison des moyens réduits dont disposent les firmes chinoises.

Pendant la décennie suivante les compagnies de production appartiennent principalement à des étrangers. L’industrie chinoise démarre en 1916 autour de Shanghai qui est alors la plus grande ville de l’Asie de l’Est. Cette date tardive s’explique par la situation politique intérieure chinoise très troublée.

Les années 20 sont une période où l’Etat intervient très peu dans le monde du cinéma. En 1922, Zhang et Zheng confondèrent avec deux de leurs amis la Mingxing à Shanghaï grâce à de l’argent spéculé en actions.

Le cinéma était alors vu comme un moyen de spéculer : des studios ouvraient et fermaient juste après avoir fait des bénéfices. Les techniciens chinois apprennent beaucoup des techniciens américains et l’influence américaine se fera sentir dans les deux décennies suivantes. Néanmoins, l’influence de l’opéra chinois est très forte. Ainsi, des metteurs en scène d’opéra adaptent au cinéma leurs propres productions. Mais l’aspect commercial développe aussi le genre « « les arts martiaux et « fantastique ».

En 1926, le nombre de salles en Chine atteindra le nombre de 106 avec un potentiel de 68000 spectateurs. En 1921 que Ren Pengnian réalise « Yan Ruisheng », le premier long métrage chinois, un film inspiré d’un faits divers ayant fait sensation.

A cette époque, la Mingxing a peu de succès mais Zhang et Zheng établirent définitivement le statut du studio avec l’énorme succès de « Orphan Rescues Grandfather » (1923). Les films du studio sont alors des drames familiaux glorifiant les vertus confucéennes dans le monde moderne.

D’autres studios voient le jour. Ils sont souvent des entreprises familiales. C’était ainsi le cas de la Tianyi, compagnie fondée par les frères Shaw. A l’opposé de la Mingxing, Tianyi se spécialise dans l’adaptation de récits et légendes populaires. C’est aussi le premier studio à investir en Asie du Sud-Est, y créant sa propre chaine de salles. Leur «  White Snake  » (1926) en deux parties est un succès record en Asie du Sud-Est. Le studio est à l’origine de la vogue du cinéma en costumes. Mingxing produit alors « The Burning of Red Lotus Temple » (1928-31), un sérial en 18 parties.

C’est également l’époque où les Frères Wan produisent « Uproard in an art studio  » (1926), premier film d’animation chinois. Mais la bulle spéculative autour du cinéma éclata à la fin des années 20 : la surproduction rendit les films meilleurs marché à l’achat à l’export et la valeur croissante des actions poussa les petits studios à produire pour de moins en moins cher des films à la finition de plus en plus médiocre. Il ne resta plus au début des années 30 que 12 studios contre une centaine à la fin des années 20. L’époque du parlant et de la grande crise économique mondiale approchait.

LE PREMIER AGE D’OR DU CINEMA CHINOIS

Les années 1930 sont considérées comme le premier âge d’or du cinéma chinois car le cinéma chinois atteignit à cette époque un niveau de créativité remarquable. Ce support commençait à attirer les jeunes artistes et intellectuels, comme l’écrivain-réalisateur Sun Yu, d’éducation américaine, et le scénariste communiste Xia Yan, formé au Japon.

Le gouvernement nationaliste du Kuomintang va exercer un contrôle accru sur le cinéma et l’art : les films en cantonnais, les films fantastiques, les films d’arts martiaux et les films hollywoodiens représentant de façon humiliante les Chinois sont interdits. Le but était la promotion d’une image moderne de la Chine face à Hollywood.

La menace grandissante d’une invasion japonaise inspirait alors des films exaltant la résistance patriotique et l’identité nationale. Des innovations formelles, souvent dérivées des expérimentations du cinéma muet hollywoodien et soviétique, se mêlaient à un catalogue de thèmes inspirés du communisme, comme les droits de la femme, les inégalités sociales et la défense nationale. Cependant, la technique ne suivait pas ; les films muets ou des hybrides partiellement sonores furent produits jusqu’en 1935.

Les effets accumulés de l’insuffisance des investissements et des circuits de distribution, ainsi que de la censure politique exercée par le Guomindang, provoquaient une forte instabilité des sociétés de production. L’industrie cinématographique était toutefois dominée, dans les années 1930, par deux firmes importantes qui sortaient en moyenne un film par mois : l’une, comparable à la MGM, était la Mingxing ; l’autre, Lianhua, fondée en 1930 par Luo Mingyou.

La Mingxing atteignit des sommets avec des films sophistiqués comme celui de Yuan Muzhi, « Les anges du boulevard » (Malu Tianshi, 1937), esquisse de la vie, de l’amour et de l’injustice sociale dans les bas-fonds de Shanghai.

Lianhua, qui s’était attaché la vedette Ruan Lingyu, "la Garbo chinoise", produisit des films remarquables comme « La divine » (Wu Yonggang, 1934) probablement le premier film amoral jamais tourné sur la prostitution, et le film à suspense patriotique et étonnamment érotique de Sun Yu, «  La route » (Da Lu, 1934).

Le gouvernement trouva un allié en la personne de Luo Mingyou. Avec la Lianhua, il réorganisa des studios tels que la Mingxing en en faisant des branches shanghaïennes et hongkongaises de sa compagnie. Dans le but de revitaliser le « cinéma national », il recruta les cinéastes Sun Yu et Cai Chusheng et fit produire des films visant le public urbain et intellectuel qui snobait les films d’arts martiaux dans les années 20.

Là où la Lianhua produisait au début de la décennie du muet du fait des difficultés de certaines salles à passer au parlant, Mingxing et Tianyi rivalisèrent dans la production de films parlants. En 1931, le premier film parlant « Chanteuse pivoine rouge  » est montré à Shanghai. En 1934, «  Le destin de Tao et de Li  » intègre pour la première fois le son au tournage. Les films les plus remarquables sont « Song of the Fishermen  » (1934), « Crossroads » (1937), et «  Street Angel » (1937).

Contrairement à la Tianyi, Mingxing et Lianhua ouvrirent la porte aux cinéastes de Gauche. Dans le cas de la Mingxing, ce recours trouvait sa source dans les difficultés financières de la compagnie à l’ère du parlant et de l’interdiction du cinéma d’arts martiaux et la vision de l’éducation de masse de cinéastes de Gauche tels que Zheng Zhengqiu. Cela donna naissance à des mélodrames sociaux tels que le succès «  Twin Sisters » (1933). Cette sensibilité sociale se retrouve dans « Song of the Fisherman » (1934) tourné par Cai Chusheng pour la Lianhua, premier film chinois primé dans un grand festival (Moscou 1935).

La Gauche chinoise regroupe alors des cinéastes de premier plan de l’époque et une critique de cinéma de Gauche se développe. Cela donne naissance aux classiques « La Divine » (1934) de Wu Yonggang, « La Route » (1934) de Sun Yu, «  Au Carrefour » (1937) de Shen Xiling, et «  Les Anges du Boulevard » (1937) de Yuan Mu-jih. Tsui Hark rendra hommage aux deux derniers films dans son «  Shanghaï Blues ». Outre les studios mentionnés, la Diantong et la Yihua produisirent aussi du cinéma de Gauche à cette époque. Inquiet de l’explosion de ce « courant », l’aile Droite du Kuomintang accrut le contrôle étatique sur le cinéma et la pression sur certains studios. Huang Jiamo et Liu Naou furent à la Yihua les chantres du « soft cinema », des comédies légères et dépolitisées. Ce cinéma-là fut brocardé par le critique de Gauche.

Suite à sa rapide expansion, l’industrie cinématographique voit son impact croissant.

Les premières grandes stars apparaissent comme Hu Die, Ruan Lingyu, Zhao Dan, Zhou Xuan, et Jin Yan. La position des stars s’élève de jour en jour, les admirateurs effrénés naissent en force et les activités en tout genre en relation avec le cinéma se multiplient. En 1933 "Le Journal des Stars" lance "l’élection de l’impératrice du cinéma", les charmes de Hu Die éclipsent toute rivalité dans une grandiose victoire.

Shanghai est le centre de la production chinoise même si des pôles se développent autour de Canton et de Pékin. Le cinéma de Canton va développer un style unique de comédies populaires qui va traverser les décennies jusqu’à nos jours. Shanghai devient le centre d’expansion du cinéma chinois, les échanges avec l’étranger sont fréquents. Charlie Chaplin, Douglas Fairbank, Mary Pickford s’y rendent en visite.

Cet âge d’or du cinéma de Shanghai s’interrompit brusquement lorsque les capitaux américains refluent avec la crise et avec la guerre Cino Japonaise. Quatorze studios disparurent à Shanghai en 1935 alors que plusieurs avaient déjà été détruits en même temps que seize des trente-neuf salles de cinéma de la ville par le bombardement japonais du 28 janvier 1932. Par dizaines, les sociétés cinématographiques déposent leur bilan et la production cesse lorsque la ville tombe aux mains des Japonais en 1937. Il resta peu de réalisateurs pour travailler sous le contrôle japonais. La plupart fuirent vers Hong Kong ou vers Wuhan, dans l’intérieur du pays, et eurent recours à des ressources très limitées pour réaliser des films de propagande en faveur de l’effort de guerre ainsi de «  Mulan rejoint l’armée » (1938) ou « Le rêve dans le pavillon rouge » (1943) tous deux réalisés par Bu Wancang.

Quant aux artistes demeurés en Chine continentale, ils occupent une place importante dans la promotion de la Guerre de Résistance. Le célèbre documentariste Joris Ivens et le photographe Robert Capa y tournent «  The 400 Million », fidèle témoignage de la lutte de résistance du peuple chinois. En 1940 He Zhiguang réalise sur ce thème « Lumière de l’Asie orientale » et en 1947 « Les eaux printanières du Fleuve s’écoulent vers l’Est », premier représentant des longues compositions historiques à caractère poétique qui trace une histoire où destin personnel et cheminement d’une nation s’entremêlent admirablement, est accueilli par les faveurs du public.

LE SECOND AGE D’OR : ANNEES 1945 et ERE COMMUNISTE

1. Après-guerre

Après la guerre entre 1946 et 1949, les productions de la Wenhua, la comédie « Vive ma femme  » (Sang Hu, 1947) ou de la Kunlun, « Dix mille foyers de lumière » (Shen Fu, 1948) libèrent le cinéma shanghaein de l’occupation et traitent des problèmes quotidiens des chinois comme le logement. À Shanghai, les films de la fin des années 1940 reposaient sur les dialogues et une mise en scène théâtrale, plus que les films d’avant-guerre, mais un certain nombre de titres sont maintenant considérés partout dans le monde comme des classiques, telle l’analyse pénétrante de Fei Mu sur la dépression de l’après-guerre, «  Le printemps dans une petite ville » (1948) ou la parabole de Zheng Junl sur la solidarité des classes laborieuses «  Corbeaux et moineaux  » (Wuya yu maque, 1949).

Entre 1946 et 1949 la guerre civile entre les nationalistes du Guomindang et les communistes, crée cependant un climat politique très tendu, obligeant tous les réalisateurs à prendre parti. Certains cinéastes de gauche se réfugièrent à Hong Kong pour éviter la persécution. Ils sont rejoints par de nombreux réalisateurs de droite après la victoire des communistes en 1949.
Malgré tout l’industrie locale connaît une renaissance sous les effets conjugués du Kuomintang et des compagnies privées. Le Studio Lianhua se réimplante à Shanghai et rassemble la plupart des réalisateurs de gauche. Il d’ailleurs inronique de constater que des films critiques de la corruption du Kuomintang tels que « Diary of a Homecoming » (1947) proviennent de studios mis en place par ce dernier. Les films principaux sont « Myriads of Lights » (1948), «  Crows and Sparrows » (1949), « San Mao  » (1949), et surtout l’immense succès « The Spring River Flows East  ». The Spring River Flows East est un film de trois heures dépeignant les luttes du peuple chinois pendant la guerre sino-japonaise

Outre les studios du Kuomintang, les studios phares de l’époque sont la Kunlun pour un cinéma épique et la Wenhua pour les drames humanistes. C’est à la Wenhua qu’est réalisé «  Printemps dans une petite ville » (1948), un film de Fei Mu considéré comme le Citizen Kane du cinéma chinois. La Kunlun avait quant à elle récupéré des cinéastes de Gauche de l’avant-guerre tels Cai Chusheng et Zheng Junli. Les deux cinéastes co-réalisent d’ailleurs «  Les Larmes du Yang Tsé » (1947), mélodrame à succès considéré comme le Autant en emporte le vent chinois. De son côté, Zheng Junli réalise pour la compagnie «  Corbeaux et Moineaux » (1949) dans une veine de réalisme social.

Révolution communiste

La création de la République populaire en 1949 divisa le cinéma chinois en trois branches. En Chine continentale, les communistes voulurent réinventer un cinéma populaire pour les vastes régions isolées de l’arrière-pays qui n’avaient encore jamais vu de films. La plupart des films devinrent le véhicule de la propagande gouvernementale, rejetant les traditions féodales et les superstitions, assurant une éducation idéologique, ainsi que la promotion des mouvements et des campagnes d’information nationales
A partir de l’arrivée au pouvoir des Communistes en 1949, l’humanisme et le réalisme des cinéastes de Shanghaï devint suspect aux yeux des autorités. Les studios du Kuomintang furent confisqués par l’Etat, le Bureau Central du Cinéma fondé à Pékin et les censeurs communistes supervisèrent l’élaboration des films du début à la fin. À partir de 1951, les films antérieurs à 1949 et la production hollywoodienne et hongkongaise sont interdits.
De nouveaux studios cinématographiques d’État furent créés dans de nombreuses régions, tandis que la distribution et les projections étaient développées pour atteindre les régions les plus reculées du pays. Quelque 600 films furent produits entre 1949 et 1966. Certains films des dix-sept premières années du communisme s’efforcèrent de faire revivre les vieilles traditions de Shanghai : intérêt, style et sophistication ; les meilleures productions furent «  En attendant l’arrivée du nouveau directeur » (Xin Juzhang Daolai zhi Qian, 1956), satire dans le style de Gogol réalisée par l’ancien acteur Lü Ban, et « Soeurs de scène » (Wutai jiemei, 1964), somptueux mélodrame sur le monde du théâtre, par Xie Jin. Les films d’opéra («  Le mariage de la fée princesse  », Shi Hui, 1955), les films de guerre (« La guérilla du chemin de fer  », Zhao Ming, 1956) ou les films chantés avec des minorités ethniques («  Trois sœurs », Su Li, 1960) et même les films en trois dimensions (« L’aventure du magicien », Sang Hu, 1962) sont très populaires.

Les scénaristes étaient sous l’autorité de deux instituts et leur travail alloué aux studios selon un système de quotas. Au début, les studios privés pouvaient encore travailler. Mais suite à la campagne de Mao Zedong contre la production Kunlun « La Vie de Wu Xun » (1950) de Sun Yu (un éditorial dans le Quotidien du Peuple en mai 1951) ces derniers ne purent survivre en l’état. Ils fusionnèrent et passèrent sous l’autorité de l’Etat en 1952.

Dans ce contexte, les films américains furent interdits à la diffusion et remplacés par des films soviétiques et d’Europe de l’Est et l’Académie de Cinéma de Pékin est fondée en 1950. Le Parti envoie ses cinéastes étudier le cinéma à Moscou Les années 50-60 seront celles de la Troisième Génération, celle des cinéastes du Réalisme Socialiste avec pour thèmes la lutte des classes, les héros révolutionnaires, le groupe, le sentiment national, les visions utopiques. Le PCC produit des films de propagande sur le modèle soviétique. Certains de ces films, bien que de propagandes ne sont pas dénués de qualités artistiques, notamment ceux du grand réalisateur Xie Jin à qui l’on doit « Le détachement féminin rouge », « Le Grand Li », « le Petit Li » et « le Vieux Li » et « Sœurs de scène ».

Face à cette situation, les cinéastes déjà accomplis se tournent vers des genres idéologiquement « neutres » tels que le film historique, le film de guerre, l’opéra, l’adaptation littéraire – citons "Vents de l’année Jiawu", "Li Shuangshuang", "Deuxième mois de printemps", "Xiao Hua", "Rire des souffrances".

Le public des films augmente rapidement, passant de 47 millions en 1949 à 415 millions en 1959. En 17 ans, la Chine produit 603 films et un nombre extrêmement important de films documentaires et d’information. Les premiers films en grand écran sont produits en 1960. La Chine développe également un cinéma d’animation à partir des techniques traditionnelles d’ombres chinoises, de marionnettes et de peinture traditionnelle. Le plus célèbre est « Havoc in the Heaven » de Wan Laiming qui est primé au festival international de Londres.

Suite à l’échec du Grand Bond en Avant, une relative liberté revient dans l’industrie cinématographique. Des films progressistes tels que le drame « Early Spring in february » (1963) de Xie Tieli sont réalisés mais seront critiqués plus tard.

REVOLUTION CULTURELLE

Sous la censure

De 1966 à 1972, la production cinématographique cesse pratiquement du fait de la Révolution Culturelle. Seuls huit « opéras révolutionnaires » sont réalisés et diffusés. La révolution culturelle est accompagnée d’une censure très sévère des films. Presque tous les films antérieurs à la révolution sont interdits et quelques-uns seulement sont produits. L’épouse de Mao et ancienne actrice Jiang Qing est l’acteur clé de cette "purification" des arts. Un des seuls films notables de cette période très pauvre cinématographiquement est la version ballet de l’opéra révolutionnaire « The Red Detachment of Women. »

La production cinématographique est en impasse jusqu’en 1972 où elle renaît sous le contrôle très étroit de la Bande des quatre jusqu’en 1976 où ils sont renversés. De 1973 à 1976, la production locale reprend peu à peu. MAO meurt en 1976.

Renouveau « post-Mao »

En janvier, cependant, le vétéran Xia Yan (alors âgé de quatre-vingt-cinq ans) a proclamé : « L’âge d’or de la création cinématographique arrivera sous peu ! » Tout permet de le croire avec la révélation de La Terre jaune du jeune Cheng Kaige au festival de Locarno (léopard d’argent), passé presque inaperçu lors de sa projection à Shanghai en septembre 1984.

Le début des années 80 est marqué par des réformes économiques et un relâchement du contrôle idéologique sur le cinéma. La nomination du réalisateur Wu Tianming à la tête du studio de Xian (qui compte cinquante metteurs en scène), dont il fera un véritable phare de la production cinématographique en facilitant les premiers pas de plusieurs de ces jeunes espoirs, l’ouverture de nouveaux studios, tel celui de la province du Guangxi, le souffle nouveau qui en anime d’autres, comme le studio Emei de Chengdu, suscitent une émulation novatrice à laquelle les plus anciens resteront étrangers, voire hostiles. Ainsi le studio de Shanghai fait figure désormais de temple du classicisme conservateur.
En novembre 1984 se tient à Pékin un symposium international du cinéma ; en décembre, les studios sont autorisés à diffuser eux-mêmes leur production sans passer par les organismes étatiques. Mais, devant les deux cents délégués d’une conférence nationale sur l’industrie cinématographique, le directeur du Bureau du film annonce que le public a diminué de deux milliards en trois ans. Trop de films, dit-il, sont monotones, non conformes à la réalité de la vie, stéréotypés : il faut « éradiquer » la tendance ultragauchiste, en finir avec les films-slogans que le public ne veut plus voir ; la qualité doit l’emporter sur la rigueur politique. Ce sera aussi le maître mot du cinquième congrès de l’Association des cinéastes chinois, en avril 1985. La Chine compte alors, quatre-vingts ans après la sortie de son premier film, 182 948 « unités de projection ». Mais quarante mille des cent cinquante mille équipes rurales disparaîtront dans l’année, qui est marquée par une perte de quatre millions de spectateurs dans les campagnes où la réforme économique bat son plein.

La liberté artistique s’accroît de même que la quantité de films produits. Le cinéma est alors le loisir favori du public. Cette période fit coexister trois générations de cinéastes : la troisième, quatrième et cinquième génération.

Les cinéastes de la Troisième Génération tels que Cheng Yin, Ling Zifeng, Shui Hua retournèrent à leurs genres favoris (film historique, adaptation littéraire) tandis que Xie Jin suscita la controverse avec des mélodrames critiques vis à vis du passé communiste. Les cinéastes qui avaient étudié le cinéma mais n’avaient pu réaliser de films avant 1966.

La 4ème Génération : Xie Fei, Huang Jianzhong, Zheng Dongtian…- ont été actifs durant la période. A l’opposé des héros révolutionnaires du cinéma de la 3ème Génération, ils s’attachèrent à l’humain, au quotidien du peuple et à l’expérimentation de divers styles cinématographiques. Un film comme « Narrow Street » (1981), dénonciation des exçès de la Révolution Culturelle, utilise ainsi des techniques narratives modernes. Cette génération de réalisateurs avait en effet découvert plus jeune les théories et les grands courants esthétiques du cinéma occidental. De nombreux films du début des années 80 évoquent le tabou de la sexualité tandis que la période est aussi marquée par l’émergence notable d’une dizaine de cinéastes femmes telles que Huang Shuqin et Zhang Nuanxin.
Dans les années 1980, l’industrie connaît cependant des difficultés. Elle est confrontée à la compétition avec les autres formes de divertissement et à un contrôle des autorités étatiques qui est loin d’avoir disparu.

La fin de la révolution culturelle entraîne la sortie de films traitant des traumatismes émotionnels causés par cette période. Les films de 1980 « Evening Rain » et « Legend of the Tianyun Mountains » gagnent tous les deux le First Golden Rooster Award. Le plus populaire de ces films est certainement « Hibiscus Town » (1986) de Xie Jin.

L’Académie du Cinéma de Pékin fournit sa première promotion de l’après Révolution Culturelle en 1982 qui constituera ce qu’on appelle la cinquième génération.

« Cinquième génération »

Le cinéaste Wu Tianming devient un personnage clé dans l’émergence d’une vague de cinéastes qui allait installer la Chine sur la mappemonde cinéphile en Occident. Après avoir réalisé trois films, Wu prend la tête des studios Xi’an en 1984. En 1987, son quatrième film, « Old Well », contiendra de fait le symbolisme, le réalisme poétique et le sens du romanesque qui sont la marque de fabrique de la 5ème Génération. Zhang Yimou est d’ailleurs acteur et chef-opérateur sur ce dernier film. A partir de 1985, les studios Xi’an devinrent une pépinière de jeunes cinéastes : Zhang Yimou, Chen Kaige, Tian Zhuangzhuang, Huang Jianxin… Tous ces cinéastes avaient en commun l’expérience de la Révolution Culturelle, celle de la vie rurale et étaient les premiers diplômés de l’Académie de Cinéma de Pékin (la « classe 1982 »). Le célèbre « Voleur de Chevaux » (1986) de Tian Zhuangzhuang qui est considéré comme le chef d’œuvre de cette vague. Leur grand thème est la relation entre l’individu et l’Histoire.

C’est d’ailleurs le grand thème de « Terre Jaune »(1984), film fondateur de cette vague de cinéastes qui fait vite sensation au Festival de Hong Kong. Formant avec « La Grande Parade » et « Le Roi des Enfants » (1987 tous deux) une trilogie du cinéaste sur le sujet, le film ouvre l’époque de l’explosion festivalière de la 5ème Génération : Zhang Yimou décroche l’Ours d’Or à Berlin en 1988 pour « Le Sorgho Rouge » (1987), le Grand Prix de Cannes en 1994 pour « Vivre ! » (1994) (couplé à un Prix d’Interprétation pour Ge You) et deux Lions d’or vénitiens (« Qiu Ju »(1992) en 1992 couplé à un Prix d’Interprétation pour sa muse Gong Li, « Pas un de moins » (1999) en 1999) ; « Le Cerf-Volant Bleu » (1993) de Tian Zhuangzhuang est primé au Festival de Tokyo 1993 (Prix d’Interprétation pour Lu Liping) ; Chen Kaige décroche la Palme d’Or à Cannes en 1993 pour « Adieu ma Concubine » (1993). Le succès surprise en salles en France d’ « Epouses et Concubines » (1991) de Zhang Yimou lance quant à lui une période d’intérêt cinéphile et critique croissant pour le Cinéma Chinois continental dans l’Hexagone, intérêt qui va progressivement s’étendre à tout le cinéma d’Extrême Orient.

En parallèle à ce cinéma festivalier, des réalisatrices moins célèbres ont produit des films plus liés à la réalité contemporaine, plus urbains : « On the Beat » (1995) de Ning Ying, « The Red Suit » (1999) de Li Shaohong, « Women’s Story » (1989) et « Women in Shanghaï » (2002) de Peng Xiaolian. Acteur pour Zhang Yimou, Jiang Wen deviendra plus tard metteur en scène. Il se fera un nom en Occident avec les « Démons à ma porte » (2000), farce audacieuse sur l’occupation de la Chine par le Japon durant la Seconde Guerre Mondiale primée à Cannes. Interdit de tournage par la suite, le cinéaste reviendra derrière la caméra en 2006.

Tous ces films rencontrent un écho critique et commercial très favorable en occident. Ce succès peut pousser le gouvernement à autoriser la diffusion de ces films en Chine. Mais la censure reste forte et se manifeste ainsi par les sept ans d’interdiction de tourner infligé à Tian Zhuangzhuang ou le refus de distribuer certains films comme Vivre ! malgré leurs succès.

La cinquième génération a disparu avec les événements de Tiananmen de 1989 bien que les réalisateurs importants aient continué à sortir des films. Certains se sont exilés comme Wu Tianming aux États-Unis et Huang Jianxin en Australie alors que d’autres travaillent désormais pour la télévision.

« Sixième génération »

Entre le 15 avril et le 4 juin 1989, les étudiants chinois manifestent Place Tian Anmen pour demander des réformes démocratiques. De jeunes cinéastes étudiants à l’époque de ces soulèvements réprimés par le régime allaient réaliser dans les années 90 des films à la marge du système de production officiel. Zhang Yuan, He Jianjun et Wang Xiaoshuai forment la première vague de cinéastes underground brouillant la frontière fiction/documentaire et au cinéma ancré dans la réalité chinoise contemporaine. Ces films sont tournés en ville, rapidement et avec peu de moyens ce qui leur donne une apparence de documentaire : longs plans, caméra à l’épaule...Ils traitent directement de questions de société comme le chômage, la prostitution ou la criminalité mais ce ne sont pas forcément des films engagés. Ils montrent une vie urbaine marquée par un refus du romantisme, l’individualisme et la désorientation.

En 1992, Zhang Yuan réalise « Mama » hors des circuits officiels. Un an après, il réalise « Beijing Bastards ». Considéré comme le premier film punk chinois, le film est co-produit par un collectif de scénaristes et de producteurs indépendants parmi lesquels Christopher Doyle et Cui Jian (star du rock blacklistée suite à sa participation à Tian Anmen). En 1996, il explore dans « East Palace, West Palace » les thèmes de la drogue et de la prostitution, thèmes aussi évoqués par « Postman » (1995), le second film de He Jianjun. Grâce à l’aide d’un Tian Zhuangzhuang devenu soutien de projets de jeunes cinéastes après son interdiction de tournage suite au « Cerf-Volant Bleu », Wang Xiaoshuai réalise un « So Close to Paradise » (1998) à la frontière entre film noir et néoréalisme.

La seconde vague underground a quant à elle comme intiateur Jia Zhangke. En 1995, il crée le Youth Experimental Film Group, première compagnie indépendante chinoise. En 1997, il crée son premier film « Xiao Wu Artisan Pickpocket ». Tourné avec des acteurs non-professionnels à Shanxi, le film fait le tour des festivals dans le monde et impose son nom sur la planète cinéphile. Il poursuivra dans la voie de l’évocation des mutations sociales et économiques de la Chine post-1980 dans la suite de sa filmographie, cette évocation prenant une plus grande ampleur à partir de « Platform » (2000). Dans son sillage de réalisme et de cinéma « clandestin » on trouve « L’Orphelin d’Anyang » (2001) de Wang Chao, « Bling Shaft » (2003) de Li Yang. Mais cette vague a aussi produit des films plus oniriques tels « Suzhou River » (2000) de Lou Ye ou « All tommorow’s parties » (2003) de Yu Lik-Wai. Ces films ont été censurés en Chine en leur temps et le sont même parfois toujours.

Un autre détonateur du jeune cinéma d’auteur chinois dans les années 90 fut la DV, permettant à de jeunes cinéastes de tourner sans beaucoup d’argent ni de contraintes techniques. La DV est à l’origine de la création de groupes artistiques et compagnies dans de nombreuses villes, en parallèle avec une explosion des DVDs pirates. Le premier de ces films à se faire un nom en festival sera « Seafood » (2001) de Zhu Wen. En 3 semaines, Jia Zhangke réalise en format DV « Plaisirs Inconnus » (2002). C’est aussi sous ce format que Wang Bing tourne « A l’Ouest des Rails » (2002), documentaire fleuve qui fera le tour des festivals dans le monde.

Face à la notoriété grandissante dans les festivals de l’underground, les autorités décident de sortir officiellement quelques-uns des films « bannis » : c’est le cas de « Beijing Bicycle » (2001), film de Wang Xiaoshuai primé à Berlin. Des cinéastes de l’underground des années 90 tournent désormais avec autorisations tels Jia Zhangke avec « The World » (2004) et son « Still Life » Lion d’Or vénitien en 2006 ou Zhang Yuan (« I Love You » (2002), « Green Tea » (2003)). Des films « ni-commerciaux ni-underground » tels « The Missing Gun » (2002) voient le jour.
Les réalisateurs ayant émergé sont Wang Xiaoshuai (« The Days », « Beijing Bicycle »), Zhang Yuan (« Green Tea », « East Palace West Palace »), Jia Zhangke (« Xiao Wu, artisan pickpocket », « Plaisirs inconnus », « Platform », « The World »), et Lou Ye (« Suzhou River »). On peut également citer Wang Bing, Jiang Wen, Zhou Xiaowen, He Jianjun et Zhao Liang.

La montée de la sixième génération a amené une partie de la critique occidentale à rejeter la cinquième génération en l’accusant d’académisme, de compromission et de propagande. Ainsi Zhang Yimou est critiqué violemment et refuse en conséquence d’envoyer son film « Pas un de moins » à Cannes, film qui remportera un Lion d’Or à Venise. D’autres films comme « Temptress Moon » (1996) de Chen Kaige ou « The Road Home » de Zhang Yimou sortent de manière confidentielle.
Les films de la sixième génération sont eux bien accueillis dans les festivals occidentaux mais sont inconnus en Chine. Certains critiquent leur désintérêt pour le public chinois.

Les superproductions

En 1999, sort « Tigre et Dragon » qui remporte un succès immense en Occident.

Dans la même veine, Zhang Yimou réalise « Hero » puis « Le Secret des poignards volants » avec un casting qui comprend la majorité des grandes stars du monde chinois connues à l’étranger.

Suite au succès mondial de « Tigre et Dragon » de Ang Lee en 1999, la Chine continentale s’est lancée dans la production de wu xia pian et films historiques à gros budget visant un public mondial. Le film est réalisé par un taiwanais mais est joué par de très grandes stars qui proviennent de tout le monde chinois : Hong Kong pour Chow Yun-fat, Chine continentale pour Zhang Ziyi, Taiwan pour Chang Chen. Depuis la rétrocession de Hong Kong, beaucoup de ces films font appel à des stars made in HK voire à des stars panasiatiques. C’est le cas de « Hero » (2002) de Zhang Yimou avec Jet Li, Maggie Chueng, Zhang Ziyi, Tony Leung Chiu-Wai. Zhang Yimou persistera dans cette voie avec « Le Secret des poignards volants » (2004) tandis que Chen Kaige offrira sa contribution au genre avec « Wu Ji, la légende des cavaliers du vent » (2005). Cinéaste leader au Box Office avec ses comédies des « blockbusters du Nouvel An Chinois » depuis leur création en 1997, Feng Xiaogang s’illustre aussi dans cette voie avec « The Banquet ».